LA NEGOCIATION D’UN CONTRAT DE BAIL RURAL

  • Ce qu’il faut savoir lorsque l’on négocie

Un bail rural est un contrat écrit qui, à l’inverse du bail verbal qui est soumis aux clauses et conditions du contrat type départemental, peut faire l’objet de dispositions laissées à la discussion des parties. Il est néanmoins entouré, pour certaines d’entre-elles, de restrictions liées au caractère d’ordre public du statut du fermage. En d’autres termes, même écrites et négociées entre le preneur et son bailleur, certaines dispositions contractuelles seront réputées nulles et non écrites si elles sont contraires à ce statut. Alors qu’est-il permis ou interdit de faire ?

  • La durée du bail rural et ses renouvellements

La durée du bail rural est laissée à la libre discussion des parties. Cela pourra être un bail de 9 ans, un bail à long terme de 18 ans minimum ou un bail de 25 ans et plus. La principale contrainte réside dans la durée minimale de 9 ans. Ainsi les parties ne peuvent convenir d’une durée plus courte et un bail d’une durée inférieure sera réputé être un bail de 9 ans. De la même manière, il n’est pas autorisé de convenir, dès l’origine, que le bail ne se renouvellera pas. Cette disposition serait contraire au droit au renouvellement dont bénéficie le preneur par période de 9 ans successives, sauf si le bailleur remplit les conditions très restrictives pour s’opposer au renouvellement à l’échéance du bail (reprise pour exploiter soit même, son conjoint, partenaire de PACS ou un descendant, âge de la retraite du preneur, défaut de paiement des fermages, mise en péril du fonds, etc…).

Le preneur qui souhaite contester un congé qui lui a été signifié doit impérativement saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux dans un délai de 4 mois.

Seul le bail d’au moins 25 ans bénéficie d’une dérogation permettant au bailleur de s’opposer au renouvellement sans motif, mais le congé doit être délivré 4 ans à l’avance sauf si les parties en ont convenu autrement.

  • Le prix du bail rural

Principal sujet de discussion entre bailleur et fermier, le prix du fermage n’est pas libre. Il doit être fixé entre des fourchettes de minima et de maxima déterminées par un arrêté préfectoral dans chaque département et en fonction de la qualité des vignes louées et de son terroir.

Pour la vigne, ce sera des quantités d’hectolitres de vin d’AOC produit par la parcelle. Par contre la liberté est laissée aux parties pour choisir le prix de référence pour la conversion de ces nombres d’hectolitres en argent (celui de l’arrêté préfectoral annuel fixant le prix des vins ou un autre). De même un paiement en bouteilles est possible mais les frais de mise sont également fixés annuellement par l’autorité administrative. Une majoration des minima et maxima (fixés pour un bail de 9 ans) est possible au regard de la durée du bail. Notons qu’un bail convenu pour un prix de fermage au-delà des fourchettes n’est pas nul, mais chaque partie pourra en demander le rétablissement au cours de la troisième année du bail ou lors du renouvellement. En dehors de ces libertés et du choix des dates de paiement laissées à la libre discussion des parties, il est interdit de prévoir des redevances ou des services qui viendraient s’ajouter au prix du bail.

https://www.gironde.gouv.fr/Politiques-publiques/Agriculture-viticulture-foret/Agriculture/ARRETES-PREFECTORAUX

  • Les travaux en cours de bail

Les travaux de grosses réparations sur les bâtiments et de remplacement des vignes (arrachage et replantation) sont une charge du bailleur. Il est donc impossible de les mettre à la charge du preneur dans le contrat. Pour la vigne et dans chaque département, la commission consultative des baux ruraux fixe néanmoins la répartition des travaux entre bailleur et preneur (arrachage, fournitures, main-d’œuvre) et toute clause contraire serait donc annulée. Un partage des primes FRANCEAGRIMER peut toutefois être prévu. Notons encore que rien n’interdit, mais uniquement lors de la réalisation des travaux, que bailleur et preneur conviennent d’une répartition différente de celle imposée par la commission. Si le preneur prend en charge le coût de l’intégralité des travaux de replantation, il aura droit à une indemnité à la fin de son bail et le loyer sera réduit comme une location de terres d’AOC nues et non plus comme une location de vigne.

  • Les accidents climatologiques

Sujet récurant ces dernières années (gel, grêle, sécheresse, etc..), il n’est pas interdit de prévoir dans le bail les conséquences de ces accidents sur le prix du fermage. Si une clause peut mettre à la charge du preneur les « cas fortuit » (qui paiera alors le même fermage que si l’accident n’était pas survenu), les parties peuvent dans leur contrat en prévoir autrement. En absence d’une clause quelconque, le preneur pourra demander une diminution du prix de son bail. De même le bailleur peut imposer au preneur de souscrire une assurance récolte pour se prémunir de cette perte de loyer (conf. Article FINIRO-MARTELL).

  • Le transfert du bail

Le bail rural est cessible au profit du conjoint du preneur, à son partenaire de PACS ou à ses descendants avec l’autorisation du bailleur ou du Tribunal paritaire des baux ruraux. Une clause autorisant la cession à une autre personne ou à une société serait donc jugée illégale, si ce n’est dans les baux dits « cessibles », qui revêtent une forme spécifique.

Toutefois, mais uniquement pour un bail d’une durée d’au moins 18 ans (bail à long terme), une clause particulière peut interdire la cession dans le cadre familial.

A l’inverse la sous-location est strictement interdite même si une clause du bail l’autorise.

  • Les charges foncières

Le statut du fermage prévoit que le bailleur peut refacturer au preneur 1/5ième des taxes foncières attachées au bien loué. Mais cette disposition générale est applicable sauf si les parties en ont convenu autrement. La part du preneur peut donc être convenue plus ou moins importante, le bailleur peut aussi la conserver en totalité, mais le preneur ne peut la supporter en totalité. 

  • La fin du bail

Enfin le preneur a droit à la fin de son bail à une indemnité, dite indemnité au preneur sortant, pour les améliorations apportées pendant la durée du bail et autorisées par le bailleur. Une clause du bail l’excluant sera considérée comme nulle et non écrite comme celle autorisant les travaux moyennant la renonciation à indemnité. Par contre rien n’interdit à un preneur de renoncer à une indemnité une fois les travaux réalisés dans la mesure où il a bien conscience de ce à quoi il renonce.

Stéphane de SEZE

Avocat spécialiste en droit rural

Baux ruraux et Entreprise agricole

Un fermier informé en vaut deux

Le statut du fermage a beau être protecteur de l’exploitant, celui-ci doit demeurer vigilant afin d’éviter de lourdes déconvenues, le Code Rural et de la Pêche Maritime étant truffé de pièges, notamment en termes de délais et de formalités, dans lesquels le fermier inattentif pourrait tomber.

Le jeune (et le moins jeune…) viticulteur trouvera donc ci-dessous une « check-list » synthétique des points à vérifier à la conclusion, en cours d’exécution et à la fin du bail.

A la conclusion du bail :

  • S’assurer que le bailleur est bien plein propriétaire divis des immeubles loués. En effet, en cas d’indivision, tous les indivisaires doivent consentir au bail et en cas de démembrement de propriété (usufruitier/nu-propriétaire), l’usufruitier (qui a seul la qualité de bailleur) doit être autorisé à conclure le bail par les nus-propriétaires ou par le Tribunal.
  • S’assurer que l’on est en règle avec le Contrôle des Structures. Certaines agrandissements ou installations nécessitent en effet une autorisation administrative d’exploiter et, à défaut pour le fermier d’en être titulaire, le bail risque d’être annulé.
  • Préférer le bail écrit (plutôt que verbal) et réaliser un état des lieux d’entrée contradictoire ;
  • S’assurer que le loyer est conforme aux arrêtés préfectoraux en vigueur dans le département. S’il est établi que le fermage est supérieur d’au moins 10 % à la valeur locative normale (s’adjoindre les services d’un expert agricole pour le vérifier), la révision du prix du fermage pour la période postérieure à la demande ne peut être soumise au Tribunal Paritaire des Baux Ruraux (ci-après « le TPBR ») qu’au cours de la troisième année du premier bail ou des baux renouvelés. Il est néanmoins possible de demander une fixation du prix du bail renouvelé à chaque renouvellement en cas de désaccord sur le maintien de l’ancien loyer.

En cours de bail :

  • Payer les fermages en temps et en heure. A défaut, le bailleur pourra, après mises en demeures infructueuses respectant un certain formalisme et certains délais, saisir le TPBR d’une action en résiliation judiciaire du bail et il pourra même, pour des retards systématiques s’opposer valablement à une cession du bail, même si ces retards ne justifient pas forcément une résiliation.
  • Exploiter soi-même et convenablement les biens loués. Cela paraît évident, mais à défaut de respecter cette obligation, le bailleur pourra solliciter la résiliation du bail devant le TPBR.
  •  Demander l’autorisation du bailleur et l’obtenir (ou à défaut celle du TPBR) avant de procéder à des améliorations des biens loués (constructions ou plantations, par exemple). A défaut d’une telle autorisation, ces améliorations ne seront pas indemnisées en fin de bail et le bailleur pourrait même demander leur suppression immédiate (certaines améliorations, plus légères, ne sont quant à elles soumises qu’à une obligation d’information du bailleur).
  • Procéder au racottage des pieds de vignes de moins de 25 ans (ou de moins de 20 ans pour les cépages plus fragiles : Cabernet franc, Cabernet Sauvignon et Sauvignon blanc). Passés ces délais, les frais de racottage sont à la charge du bailleur et il faut lui demander de les prendre en charge.
  • Demander au bailleur de participer à hauteur de ses obligations (en Gironde : arrachage, défoncement et terrassements éventuels, plants et autres fournitures pour la replantation) à la replantation des vignobles anciens et improductifs en lui communiquant le motif de l’arrachage et en lui présentant un devis pour l’ensemble des opérations. Conclure, idéalement, un contrat de replantation avec le bailleur.
  • Ne pas procéder à des échanges en jouissance avec d’autres exploitants sans en informer préalablement le bailleur.
  • NE JAMAIS SOUS-LOUER, NI CEDER SON BAIL, NI L’APPORTER A UNE SOCIETE, sauf :
  1. Si l’on a conclu (devant Notaire) un bail cessible ;
  2. Cession au conjoint, partenaire de PACS ou descendant majeur participant à l’exploitation, mais avec l’autorisation expresse et écrite du bailleur ou, à défaut, celle du TPBR ;
  3. Apport à une société civile d’exploitation agricole, mais avec l’autorisation expresse du bailleur (le TPBR ne pouvant pas, ici, suppléer le refus du bailleur) ;
  4. Simple mise à disposition des biens loués à certaines formes de sociétés d’exploitation dont le fermier personne physique est associé exploitant (en respectant un formalisme spécifique).

En cas de vente du fonds loué par le bailleur :

  • Respecter le délai de 2 mois suivant la notification de la vente qui est faite au preneur pour notifier au propriétaire (et non à son Notaire…) sa décision de préempter les biens qui lui sont loués, puis le délai de 2 mois suivant cette décision pour passer la vente et payer le prix.
  • Si le preneur considère que le prix et les conditions de la vente qui lui ont été notifiées sont exagérés, il dispose d’un délai de 2 mois non seulement pour notifier sa décision de préemption au bailleur (en indiquant par exemple qu’il considère le prix comme excessif) mais aussi pour saisir le TPBR d’une demande de fixation de la valeur vénale et des conditions de la vente (auquel cas, naturellement, il n’est pas tenu de passer la vente dans le délai indiqué au paragraphe précédent).

En fin de bail

  • Vérifier les motifs mentionnés dans le congé qui pourrait être signifié à la requête du bailleur et, le cas échéant, le contester devant le TPBR dans un délai de 4 mois, à défaut de quoi la contestation sera irrecevable.
  • Si le preneur souhaite ne pas bénéficier de son droit au renouvellement, notifier au bailleur un congé un respectant un préavis de 18 mois avant la fin du bail (à défaut de quoi le bail est renouvelé pour une nouvelle durée de 9 ans et le preneur est tenu d’exploiter et de payer les fermages pendant cette nouvelle période).
  • Organiser rapidement un état des lieux de sortie contradictoire après la fin du bail ;
  • Demander au TPBR la fixation de son indemnité au preneur sortant (en cas d’améliorations réalisées par le fermier et si aucun accord amiable n’a été concrétisé à ce sujet) dans un délai d’un an maximum suivant la date de fin du bail, à défaut de quoi la contestation sera irrecevable.

En tout temps 

  • Solliciter les conseils d’un avocat spécialisé !

Wladimir BLANCHY

Avocat à la Cour

Cabinet de SEZE & BLANCHY

PRIX DES FERMAGES DES VIGNES : QU’EST-CE QUI CHANGE AVEC L’ARRETE DU PREFET DE LA GIRONDE DU 8 DECEMBRE 2021 ?

Alors qu’il fallait souvent attendre une décennie pour voir la parution de nouveaux arrêtés préfectoraux fixant les prix des fermages viticoles, la parution, coup sur coup, des arrêtés préfectoraux du 15 décembre 2020 et du 8 décembre 2021 sont venus se substituer à l’ancien du 2 décembre 2013 qui régissait les maxima et minima des prix des fermages dans le département de la Gironde.

On se rappelle que l’article L 411-11 du Code Rural et de la Pêche maritime prévoit que le prix des fermages est fixé à partir de barèmes déterminés par l’autorité administrative et que ces barèmes font l’objet d’un nouvel examen au plus tard tous les 6 ans.

Fruit d’âpres négociations entre représentants des bailleurs et représentants des preneurs au sein de la Commission consultative paritaire départementale, le nouvel arrêté préfectoral du 8 décembre 2021, abrogeant celui de l’année précédente, a donc vocation à fixer les nouvelles règles pour les six années à venir.

Alors qu’est-ce qui change ? Cela me concerne-t-il ? Quelles sont les conséquences de ces modifications ? Autant de questions auxquelles le présent article va essayer de répondre, sachant que, comme toutes règles, elles sont nécessairement soumises à interprétation et à négociation.

En se limitant au seul loyer des vignes, nous aborderons donc dans un premier temps l’étendue de ces modifications avant de traiter des conséquences de ces innovations.

I – LA MODIFICATION DES BAREMES DU LOYER DES VIGNES ET SES CONSEQUENCES.

Les modifications apportées par le nouvel arrêté préfectoral du 8 décembre 2021 touchent à la fois les critères des catégories pour appliquer les minima et maxima d’hectolitres de vin servant au calcul des fermages, mais également la notion de structure de l’exploitation.

A – La modification des critères de catégories des minima et maxima.

Il est rappelé que la valeur locative des vignes était déterminée en fonction de l’état du vignoble, du nombre de pieds à l’hectare, de son âge, des pieds manquants ou malades, de sa productivité potentielle, de l’état du palissage, etc…..

L’état constaté fait alors rentrer la parcelle de vigne à évaluer dans une des trois catégories déterminées par l’arrêté préfectoral à laquelle est appliquée la quantité maximale et minimale d’hectolitres/ hectare autorisée au titre du fermage.

La nouveauté du nouvel arrêté préfectoral tient essentiellement dans la suppression, dans les critères à retenir, de l’âge de la vigne.

L’ancien arrêté prévoyait en effet que ne pouvaient briguer la première catégorie des fermages (donc la plus chère) que les vignes « en pleine force de l’âge », la seconde catégorieles vignes « d’âge moyen » et la dernièreles « vignes plus âgée ».

Cela amenait nécessairement à des iniquités lorsque le bailleur avait régulièrement complanté ses vignes pour maintenir leur productivité et se trouvait sanctionné par un faible fermage en fonction de l’année initiale de plantation de sa parcelle.

Le nouvel arrêté supprime ce défaut en retenant le critère de « vignes en bon état d’entretien… de bonne productivité » (- de 5 % de pieds manquants) pour la première catégorie, de « vignes normalement entretenue » (- de 15% de pieds manquants) pour la seconde, et de « vignes avec un nombre de pieds manquants supérieur à 15 % » pour la dernière.

A noter que l’état du palissage et les rendements moyens seront également pris en compte dans les critères et on voit donc ici tout l’intérêt de ne pas hésiter à rédiger un état des lieux complet au moment de la conclusion du bail ou de ses renouvellements.

On notera également qu’alors que les vignes de deuxième catégorie devaient être fixées entre 5 hls/ha et 8 hls/ha dans le précédent arrêté, le maxima de 8 hls/ha a été ramené à 7 hls.

Par ailleurs et pour les vins liquoreux, la catégorie exceptionnelle qui permettait de multiplier par deux les minima et maxima des vignes produisant des crus classés ou « de notoriété reconnue » n’est plus aujourd’hui réservée qu’aux seuls crus classés.

B – La suppression du prix fixé en fonction de la structure parcellaire.

L’ancien arrêté préfectoral prévoyait que le prix du fermage devait être minoré en fonction de la distance des parcelles louées par rapport au centre d’exploitation du fermier.

Ainsi les parcelles situées à plus de 2 kilomètres devaient voir leur fermage minoré de 2 %, de 4 % jusqu’à 8 kilomètres et de 6 % au-delà.

Cette minoration n’a pas été reprise par le nouvel arrêté et les minima et maxima trouveront donc à s’appliquer.

A noter enfin que le prix de conversion de l’hectolitre de vin de l’AOC CANON-FRONSAC, à l’instar de ce qui existait déjà pour les AOC GRAVES et PESSAC-LEOGNAN, ne sera plus fixé sur les cotations moyennes pondérée déterminée par le CIVB mais en appliquant un coefficient correcteur de 1,3 du prix de l’AOC FRONSAC.

C – Les conséquences de la modification des barèmes

Les nouveaux barèmes sont applicables à compter du 1er jour du mois suivant la publication de l’arrêté préfectoral au Recueil des Actes administratifs de la Gironde.

Ainsi tous les baux conclus ou qui se renouvellent à compter de cette date sont soumis à ces nouveaux barèmes. 

Ils ne concernent donc pas les baux de 9 ans en cours pour lesquels il faudra attendre le renouvellement, même si les parties peuvent amiablement anticiper cette date.

Il y a lieu toutefois d’attirer l’attention sur les dispositions prévues par l’article L 411-11 avant dernier alinéa du Code Rural et de la pêche Maritime qui énoncent :

« Ces minima et maxima font l’objet d’un nouvel examen au plus tard tous les six ans. S’ils sont modifiés, le prix des baux en cours ne peut, sous réserve des dispositions figurant au premier alinéa de l’article L 411-13, être révisé que lors du renouvellement ou, s’il s’agit d’un bail à long terme, en début de chaque nouvelle période de neuf ans. A défaut d’accord amiable, le tribunal paritaire des baux ruraux fixe le nouveau prix du bail. »

Cette disposition autorise donc les parties liées par un bail à long terme à demander, si les minima et maxima sont modifiés par l’autorité préfectorale en cours de contrat, la mise en conformité du prix du loyer pour chaque période de 9 ans du contrat en application des nouveaux barèmes.

Le prix du loyer est alors modifié sur la base du nouvel arrêté préfectoral en vigueur à la date de la demande, en fonction de l’arrêté applicable à cette date et le prix appliqué à cette même date.

Les modifications des barèmes de l’arrêté du 8 décembre 2021 ouvrent donc aux parties qui ont contracté un bail à long terme (de 18 ans, 25 ans ou plus) la faculté de solliciter, amiablement ou, à défaut, par le Tribunal paritaire des baux ruraux, la mise en conformité du prix des loyers avec les nouveaux barèmes pour une nouvelle période de 9 ans du bail en cours.

II – LES MODIFICATIONS SUR LE REGIME DES ARRACHAGES ET REPLANTATION DES VIGNES.

L’arrêté préfectoral est venu, dans son article 7-3, clarifier le régime des replantations en précisant que les coûts d’arrachage d’une parcelle de vigne avant replantation incombent au bailleur mettant ainsi un terme à une question qui faisait débat.

Il est rappelé que l’article L 415-8 du Code rural et de la Pêche Maritime laisse le soin à la commission consultative des baux ruraux de déterminer l’étendue et les modalités des obligations du bailleur relatives à la permanence et à la qualité des plantations telles que prévue par l’article 1719-4° du Code civil.

Le nouvel arrêté prévoit la répartition de ces travaux d’arrachage et de replantation :

  • Le bailleur prendra à sa charge l’arrachage, le défoncement et les terrassements éventuels, tous les plants et autres fournitures pour la plantation. Le fermier devra préciser par écrit le motif de l’arrachage et présentera un devis au bailleur pour l’ensemble des opérations. Il devra obtenir par écrit l’accord du bailleur. L’établissement d’un contrat de replantation entre les deux parties est vivement conseillé ;
  • Le preneur prendra en charge la main d’œuvre nécessaire à la plantation et à l’entretien cultural des trois premières années, y compris l’année de plantation, ainsi que tous les travaux et apports culturaux jugés utiles.
  • Il n’y aura pas de paiement de fermage pendant les 3 premières années.

Dans ce cas, il est dû au preneur sortant une indemnité de sortie telle que visée à l’article L 411-69 du Code rural. 

Le nouvel arrêté prévoit donc clairement que la main d’œuvre d’arrachage incombe au bailleur et organise les opérations préalables au travaux (motivation de la nécessité d’arracher, devis à présenter au bailleur, accord écrit, etc…).

On notera toutefois que la dernière phrase concernant l’indemnité de sortie au preneur pour sa main d’œuvre pourrait poser une difficulté juridique dans la mesure où elle fait expressément référence à l’article L 411-69 du Code rural et de la Pêche Maritime relatif à l’indemnisation des améliorations, alors que la Cour de cassation a jugé que les obligations de l’article 1719-4° du Code civil ne constituent pas des « améliorations » et ne rentrent donc pas dans le régime de l’article L 411-69 du Code rural et de la Pêche Maritime (Cass. Civ. 3ème 28 septembre 2011 – n° 10-14.933).

Enfin, il est nécessaire de relever que le nouvel arrêté préfectoral n’a pas repris la disposition de l’ancien qui prévoyait qu’en cas de situation d’arrachage obligatoire par l’organisme de contrôle diligenté par l’ODG, la replantation était à la charge exclusive du bailleur (fournitures + main d’œuvre).

Concernant les complantations, il est rappelé que cette charge incombait en totalité au preneur pour les vignes âgées de moins de 25 ans, à l’exception des cépages Cabernets francs, Cabernets Sauvignon et Sauvignon blancs pour lesquels cet âge était ramené à 20 ans.

Le nouvel arrêté préfectoral rappelle qu’au-delà de ces âges, les travaux seront à la charge du bailleur, mais en laissant aux parties la faculté d’y déroger par convention.

On l’aura compris, le nouvel arrêté préfectoral du 8 décembre 2021 modifie l’une des composantes essentielles du bail, celle du prix, mais laisse une porte grande ouverte à la négociation entre les parties tant pour l’applicabilité des nouvelles mesures que pour leur quantum.

Stéphane de SEZE

Avocat spécialiste en droit rural

LA MINORATION POUR CAUSE DE BAIL OU COMMENT ESTIMER LA MOINS-VALUE D’UN BIEN LOUE PAR BAIL RURAL ?

S’il est un sujet récurrent en matière de baux ruraux, c’est bien celui de la valeur du bail rural grevant un bien agricole.

La question touche autant le domaine du droit des successions lorsqu’il faut évaluer un bien loué dans un partage, le droit fiscal (donation, succession, valorisation IFI) ou encore le droit des baux à ferme lorsqu’il faut évaluer un bien en cas de contestation de valeur à l’occasion du droit de préemption du fermier.

A titre liminaire, il faut préciser qu’en matière de droit rural (et sauf cas particulier des baux cessibles prévus aux articles L 418-1 et suivants du Code rural et de la Pêche Maritime  ou des cessions entre conjoints ou descendants de l’article L 411-35), le bail rural n’est pas cessible et n’a donc pas de valeur intrinsèque. Sa cession ou même sa valorisation sont d’ailleurs puni pénalement par l’article L 411-74 du même code d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et d’une amende de 30.000 €.

Il n’en constitue pas moins un droit incorporel ayant une valeur théorique puisqu’il peut être cédé indirectement par la vente des parts de la société fermière et cela sans que cette vente ne puisse être requalifiée de cession de bail  (Cass. Civ. 3, 10 février 1999 n° 97-17.118. GFA Château Giscours c/ SE du Château Giscours) ou encore faire l’objet d’une indemnité de rupture anticipée lorsque le fermier accepte amiablement de le résilier afin de permettre au propriétaire de vendre son bien libre de toute occupation.  

Il peut également être valorisé par le biais du profit retiré par ce droit d’exploiter (ou la perte de profit du preneur si le bail était résilié) ou encore par la moins-value que représente ce droit sur une éventuelle cession du foncier.

Toute la difficulté réside dans le fait qu’il n’existe aucune règle légale ou règlementaire pour évaluer les incidences de l’existence d’un bail, les juges du fond pouvant par ailleurs souverainement fixer, voire, écarter, la moins-value liée au bail – (Cass. Civ. 3, 12 octobre 1994).

La pratique démontre qu’il y a autant de méthodes d’évaluation que d’experts fonciers, chacun appliquant sa propre méthode, ce qui amène parfois à des écarts d’évaluation importants lorsque plusieurs experts sont chargés d’évaluer le même bien.

Il est donc important de faire le point à la fois sur le principe même de cet abattement mais également sur les méthodes proposées.

A – SUR LE PRINCIPE DE L’ABATTEMENT DE VALEUR AU REGARD DE LA SITUATION LOCATIVE

Le principal facteur en ce domaine est bien évidemment lié aux dispositions légales entourant le statut du fermage que ce soit au regard de la durée du bail, de la fixation règlementaire des prix de location, du droit de préemption ou du droit au renouvellement du bail, lesquelles constituent une restriction sérieuse à la libre disposition des biens donnés à bail entrainant nécessairement une moins-value.

Il a même été jugé que cette moins-value devait profiter au fermier lorsque celui-ci, dans le cadre de son droit de préemption, entendait contester le prix qui lui avait été notifié (Cass. Civ. 3, 9 novembre 2011 n° 10-24.687).

L’importance de cette moins-value est fonction des particularités propres à chaque situation et notamment de la durée du bail restant à courir et des facultés d’opposition à renouvellement.

Il faut toutefois éviter de se limiter à appliquer arbitrairement un abattement pour occupation sur la valeur libre des terrains, ainsi que le pratiquent certains experts.

En effet la situation du marché des biens agricoles (et notamment des vignes) est très variable selon les régions et la moins-value pour occupation y est plus ou moins marquée (dans certaines régions on note des taux de l’ordre de 40 % sur la valeur libre alors que dans la majorité des cas ils se situent entre 12 % et 25 %).

Il faut donc se référer aux données du marché local, notamment dans les grandes appellations prestigieuses où les transactions sont rares et pour lesquelles certains achats ressortent plus de l’investissement foncier en vue d’une spéculation à moyen ou long terme que d’un désir d’exploiter le bien.

A titre d’exemple, cela a été notamment le cas dans les années 1980-2000 où se sont multipliés les GFA dits « investisseurs » créés par des organismes bancaires qui donnaient eux-mêmes à bail à des exploitants les propriétés achetées.

A l’exception de cette situation particulière, la moins-value n’en demeure pas moins particulièrement sensible lorsque les biens  sont grevés d’un bail de longue durée et que les facultés du propriétaire de le résilier ou de s’opposer à son renouvellement sont limitées.

Le « Guide méthodologique de l’expertise foncière et agricole », propose une méthodologie d’évaluation intégrant l’ensemble de ces éléments et selon le calcul suivant :

Taux de dépréciation = coefficient d’adaptation au marché immobilier local x (durée du bail restant à courir + faculté d’opposition à renouvellement + revenu locatif).

  • Le coefficient d’adaptation au marché, compris entre 0 et 1, correspond au marché local immobilier (0 lorsque la situation locative a peu d’importance – 1 lorsque c’est l’inverse.
  • Le coefficient de la durée du bail qui est fixé à 1 % par année restant à courir au bail initial.
  • Le revenu locatif correspondant à un pourcentage (entre 20 % et 5 %) qui est plus élevé si le revenu locatif annuel est faible par rapport au nombre d’années restant à courir.
  • Le pourcentage de dépréciation qui est compris entre 20 % (absence de possibilité de résiliation ou d’opposition au renouvellement du bail) et 0 % (reprise envisageable). Il dépend donc essentiellement des facultés juridiques pour le propriétaire-bailleur de mettre un terme au bail.

Concernant le coefficient d’adaptation au marché, il y aura lieu de rechercher l’attractivité des biens notamment lorsque l’on est en présence de terres de grandes cultures recherchées ou encore de vignes bénéficiant de grandes appellations (Bourgogne, Bordelais, Alsace ou encore Champagne) et à leur marché spéculatif des vins.

Une analyse de l’évolution des prix publiés par les SAFER peut être utile notamment lorsque les prix constatés décrochent de la valeur économique réelle.

Pour certains biens ces achats sont souvent le fait d’investisseurs souhaitant ajouter à leur patrimoine un domaine viticole prestigieux comme le démontrent les récentes ventes de vignobles portant sur des crus prestigieux ou classés. Il faut néanmoins préciser que si sur ce type de biens, le marché reste spéculatif, il ne repose pas sur un simple investissement foncier mais surtout sur la disposition de l’exploitation, les acquisitions de biens occupés étant quasiment inexistantes.

Enfin il faut préciser que compte tenu du renforcement important des obligations liées à l’appel public à l’épargne, les organismes bancaires ont généralement cessé de proposer à leurs clients des GFA investisseurs.

Si le coefficient de la durée du bail est mécanique et ne pose donc pas de difficulté, celui relatif au revenu locatif est plus délicat à appréhender.

Il faudra ici que l’expert ait une bonne connaissance du prix des fermages qui, rappelons-le, sont strictement règlementés dans chaque Département par des arrêtés préfectoraux fixant la valeur locative minimale et maximale de chaque catégorie de biens.

Il devra se demander si le prix appliqué entre les parties est faible, normal ou élevé en fonction des règles légales.

Mais le plus délicat serait surement d’estimer le coefficient sur les facultés de reprise.

B – SUR L’ANALYSE DES FACULTES DE REPRISE OU DE RESILIATION DE BAIL COMME ELEMENT ESSENTIEL DE LA DEPRECIATION.

Il s’agira ici d’étudier les facultés juridiques de résiliation ou d’opposition au renouvellement du bail à échéance. C’est l’élément essentiel guidant à la fois la méthode préconisée (puisqu’il rentre, selon le Guide, jusqu’à 20 % dans le coefficient de dépréciation) mais également dans toute autre méthode qui serait retenue.

En matière de baux ruraux (fermage ou métayage), le droit pour le fermier au renouvellement de son bail à son échéance (pour une nouvelle durée de 9 ans) est le principe et l’opposition à renouvellement l’exception.

La Loi, afin de pérenniser la stabilité des exploitants, a donc entouré la faculté du bailleur de s’opposer au renouvellement automatique du bail de conditions extrêmement restrictives que l’expert devra apprécier en fonction de chaque situation.

1 – Si le bailleur est une personne physique

Hormis de rares cas de résiliation (changement de destination des biens, résiliation judiciaire pour faute du preneur, etc…) ou de bail de plus de 25 ans ayant vocation à s’arrêter à son terme contractuel, la question va essentiellement porter sur la possibilité du bailleur de reprendre son bien à échéance du bail.

L’expert devra donc vérifier si le bailleur est susceptible de remplir les conditions de reprise pour exploitation personnelle telles que fixées par l’article L 411-47 du Code rural et de la pêche Maritime.

Il est rappelé sur ce point que cet article permet au bailleur de s’opposer au renouvellement du bail (sous réserve d’un congé délivré 18 mois avant le terme) pour reprendre le bien pour l’exploiter lui-même, ou le faire exploiter par ses descendants, son conjoint ou son partenaire de PACS.

Celui désigné comme le bénéficiaire de la reprise devra justifier, outre le fait qu’il n’aura pas atteint l’âge de la retraite, qu’il dispose du matériel nécessaire ou des moyens de l’acquérir et qu’il réponde aux conditions de diplôme ou d’expérience professionnelle requises par la loi (diplôme agricole minimum BEPA ou 5 années d’expérience professionnelle agricole acquise au cours des 15 dernières années sur une exploitation d’au moins 1/3 de la SAU, habitation proche permettant l’exploitation, etc…).

Bien évidemment l’expert devra également vérifier si des restrictions n’empêcheraient pas le bailleur de délivrer un congé, comme une situation d’indivision ou une mesure de protection judiciaire.

2 – Si le bailleur est une personne morale

Pour les biens détenus par des sociétés, l’article L 411-60 du Code rural et de la Pêche Maritime énonce :

« Les personnes morales, à la condition d’avoir un objet agricole, peuvent exercer le droit de reprise sur les biens qui leur ont été apportés en propriété ou en jouissance, neuf ans au moins avant la date du congé. (…). L’exploitation doit être assurée conformément aux prescriptions des articles L. 411-59 et L. 411-63 par un ou plusieurs membres des sociétés mentionnées au présent article. Toutefois, les membres des personnes morales mentionnées à la première phrase du présent article ne peuvent assurer l’exploitation du bien repris que s’ils détiennent des parts sociales depuis neuf ans au moins lorsqu’ils les ont acquises à titre onéreux. »

Aussi, pour qu’une personne morale (société) propriétaire puisse s’opposer au renouvellement d’un bail il est nécessaire :

  • Qu’elle ait un objet agricole, c’est-à-dire que son objet social l’autorise à exploiter.
  • Qu’elle soit propriétaire des biens depuis au moins 9 ans.
  • Qu’elle dispose du matériel nécessaire ou des moyens de l’acquérir.
  • Que l’un de ses associés soit désigné comme devant assurer l’exploitation au sein de cette société et qu’il réponde aux conditions de diplôme ou d’expérience professionnelle requises par la loi ( supra).
  • Que cet associé détienne ses parts depuis au moins 9 ans s’il les a acheté (ou s’il les a souscrites).
  • Que la société ait l’autorisation d’exploiter du contrôle des structures si cette dernière est nécessaire.
  • Que la société prenne l’engagement d’exploiter les biens pendant 9 ans.

La lecture du texte pose donc le principe que si une société propriétaire peut délivrer un congé dit « pour reprise », c’est dans l’optique qu’elle exploite elle-même le bien dont elle est propriétaire et non pour le faire exploiter par un de ses associés (même si cet associé doit être désigné comme celui qui assurera l’exploitation au sein de celle-ci) ou par un tiers. (En ce sens Cass. Civ. 3, 9 juin 2016 n° 15-12.285 et CA BASTIA 9 avril 2014 n° 13/231 ou CA DIJON 14 février 2013 n°1200160).

En ce qui concerne l’engagement d’exploiter les biens pendant 9 ans, cette obligation fait bien évidemment obstacle à l’hypothèse d’un congé pour vente. En d’autres termes, il n’est pas envisageable qu’un congé soit délivré pour permettre la vente du foncier. Seule une reprise pour que la société exploite elle-même est possible sous réserve que les autres conditions soient remplies.

3 – Si le preneur est une personne physique

L’expert devra ici vérifier si le preneur est susceptible de se voir délivrer un congé pour survenance de l’âge de la retraite.

L’article L 411-64 du Code rural et de la Pêche Maritime permet en effet au bailleur de s’opposer au renouvellement du bail si le preneur a atteint l’âge de la retraite à cette date, ou de limiter le renouvellement à chaque période triennale du bail renouvelé. Il devra également vérifier si le preneur n’aurait pas alors la faculté de s’opposer à ce congé en demandant la cession de son bail à un enfant, son conjoint ou à son partenaire de PACS qui rempliraient les conditions de participation aux travaux énoncées par l’article L 411-35 du code précité.

A noter toutefois que depuis la loi du 13 octobre 2014, le preneur a la possibilité de demander le report de plein droit de la date d’effet du congé lorsqu’il ne bénéficie pas de la retraite aux taux plein.

Il devra également adapter son évaluation à la mission qui lui est confiée.

En effet et comme il l’a été noté plus haut, s’il est nommé pour évaluer les biens  dans le cadre de la contestation du prix notifié au preneur pour son droit de préemption, la minoration devra être appliquée (Cass. Civ. 3, 9 novembre 2011 n° 10-24.687).

A l’inverse et s’il a été nommé pour évaluer les biens dans le cadre d’une succession et pour laquelle les biens seront attribués au fermier (accord de partage, attribution préférentielle, etc…), la minoration devra être écartée puisque le bail s’éteindra par la confusion de la qualité de bailleur et de fermier. (Notamment Cass. Civ. 1ère, 21 octobre 2015 pourvoi n° 14-24.926 et CA Reims, 21 déc. 2006 : Juris-Data n° 2006-332815) sauf si le bail a été consenti à des co preneurs, même conjoints (Cass. Civ. 1ière, 11 décembre 2001, n° 99-19.528).

4 – Si le preneur est une personne morale

Dans un tel cas, les mêmes dispositions que celles pour un preneur personne physique devront être recherchées à l’exception bien entendu de l’article L 411-64 du Code rural et de la Pêche Maritime puisqu’une personne morale n’atteint pas l’âge de la retraite.

A noter toutefois, en matière d’évaluation des biens dans le cadre d’une succession, qu’un récent arrêt de la Cour de Cassation a jugé que dans le cas d’un bail consenti à une société dont les deux attributaires des biens étaient les seuls associés, la minoration devait être appliquée si chaque attributaire n’avait pas le pouvoir seul de résilier le bail   (Cass. Civ. 1ière 7 décembre 2016 – Pourvoi n° 15-28.154).

L’expert devra donc rechercher, dans ce cas de figure, si l’attributaire des biens dispose de la majorité requise au sein de la société fermière pour résilier le bail.

On aura donc compris toute la difficulté que rencontre un expert pour estimer la dépréciation de la valeur d’un bien liée à l’existence d’un bail, laquelle doit reposer sur des situations de faits et sur une stricte analyse juridique de ces situations.

 

Stéphane de Sèze

Avocat spécialiste en droit rural

Cabinet De SEZE & BLANCHY

Octobre 2018

Les SAFER en panne de stratégie – Pas de préemption pour la vente de sociétés agricoles. Mais la SAFER contre-attaque avec la Loi Sempastous du 23 décembre 2021…

Quand Foncier sans conscience n’est que ruine de l’âme,

Alors que le phénomène sociétaire ne cesse de se développer en agriculture, plus de 40 % des exploitations professionnelles y ayant recours, les achats par ce biais sans que les SAFER puissent intervenir de 1700 hectares de terres dans l’Indre par des Chinois et de domaines Cognaçais et Bourguignons par des ressortissants extra européens ont été autant de situations ayant suscité des polémiques locales devenues nationales.

Saisissant ces situations médiatiques, les SAFER ont été tentées de faire étendre leurs pouvoirs d’intervention.

Créées en 1960 par la loi du 5 aout 1960 d’orientation agricole[1], dotées d’un droit de préemption par la loi du 8 aout 1962[2], du droit de préempter pour raison environnementale en 1999[3], autorisées à préempter les parts de société en totalité par la loi d’avenir sur l’agriculture du 13 octobre 2014[4], la loi du 6 octobre 2015[5] ouvrant plus encore leurs possibilité d’exercer ce droit, les SAFER ont orienté leurs choix stratégiques, délaissant certaines ambitions largement acceptées et promues par la société pour se focaliser sur d’autres telle une ambition de régenter le transfert de surfaces via des parts de sociétés.

Le Conseil constitutionnel, par deux décisions récentes (Décision n° 2017-748 DC du 16 mars 2017) et    (Décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016), a considéré que les dispositions étendant le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts ou actions de sociétés étaient inconstitutionnelles.

Un texte vidé de sa substance ?

Successivement, les dispositions de la Loi 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « Sapin 2 » (Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) permettant d’agir en ce sens ont été censurées le 8 décembre 2016 par le Conseil constitutionnel (Décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016).

Puis ce fut récemment le tour de celles de la Loi 2017-348 du 20 mars 2017 « relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle », qui vient de subir un sort similaire le 16 mars 2017 (Décision n° 2017-748 DC du 16 mars 2017).

Dans le premier cas, le Conseil constitutionnel avait considéré que les dispositions étendant le droit de préemption des SAFER aux cessions de droits sociaux ne présentaient pas de lien, même indirect, avec celles figurant dans le reste du projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale et qu’elles avaient donc été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution. En bref, ces dispositions glissées dans le projet initial furent appréciées comme un « cavalier législatif » et donc censurées à ce titre !

Remettant le travail sur l’ouvrage, le second texte a permis l’examen sur le fond des dispositions que les SAFER avaient appelé de leurs vœux[6].

Les sages du Palais-Royal ont de nouveau censuré le cœur du texte, à savoir son article 1er 3ème alinéa, et son article 3, considérant que ces articles « portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre ».

Ces mesures auraient autorisé les SAFER à utiliser leur droit de préemption « dans le but d’installer un agriculteur ou de maintenir ou consolider des exploitations agricoles » (…), « en cas de cession partielle des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole, lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions ou une minorité de blocage au sein de la société ».

Le texte censuré prévoyait que le droit de préemption des SAFER pourrait s’exercer dès lors que les parts ou actions cédées étaient susceptibles de conférer la majorité ou une minorité de blocage à leur acquéreur.

Les sages ont fait le constat que le texte prévu ne garantissait pas à la SAFER d’être majoritaire dans la société détentrice des biens ou des droits immobiliers, et de ce fait, que l’exercice du droit de préemption n’offrait aucunement la certitude qu’il permettrait l’installation d’un agriculteur ou même le maintien et la consolidation d’exploitation agricole !

L’analyse du conseil censurant ce texte estime aussi que la durée de détention par la SAFER, des parts ou actions qui auraient été préemptées aurait été susceptible d’affecter la valorisation de la société. Pour le Conseil , si les SAFER auraient été tenues de rétrocéder les biens préemptés, aucune garantie légale ne faisait obstacle à ce qu’elles conservent ceux-ci au-delà du délai légal, la seule réserve à l’exercice de ce droit de préemption étant le droit de préférence reconnu aux seuls associés d’un groupement foncier agricole, en place depuis plus de dix ans.

Alors que reste-t-il de cette loi du 20 mars 2017 ?

Un reliquat de mesures éparses, plus porteuses de contraintes que de coercition ?

Deux dispositions principales subsistent après la censure du Conseil constitutionnel.

D’une part, l’obligation de conserver pendant cinq ans les droits sociaux reçus en contre partie des biens ou des droits susceptibles de faire l’objet du droit de préemption des SAFER.

D’autre part, l’obligation de créer une structure de portage foncier dont l’objet principal soit la propriété agricole afin d’assurer la mutation d’une structure sociétaire.

La première mesure est manifestement destinée à faire échec au contournement du droit de préemption des SAFER consistant à apporter le foncier à une société (non soumis au droit de préemption) puis d’en céder les parts.

Le nouveau texte impose à celui qui apporte à une société des biens ou des droits susceptibles d’être soumis à l’exercice du droit de préemption des SAFER de s’engager à conserver pendant cinq ans la totalité des droits sociaux qu’il reçoit en contrepartie.

La seconde mesure réside dans l’obligation pour les sociétés qui font l’acquisition de terres ou de droits (par achat ou apport) que la SAFER aurait pu préempter, de constituer des structures sociétaires dédiées dont l’objet principal est la propriété agricole.

Sont exclus de cette obligation les acquisitions réalisées par des sociétés sous forme de G.A.E.C., G.F.A., G.F.R., E.A.R.L, S.A.F.E.R ou des associations dont l’objet principal est la propriété agricole.

L’obligation portera donc sur toute autre forme de société (S.C.E.A., S.A.R.L., S.A., S.A.S. etc…) sauf si elles achètent les terres en qualité de fermière au titre d’un bail conclu avant le 1ier janvier 2016 ou si l’achat ne leur fait pas dépasser le seuil fixé par le Schéma Directeur Régional en matière de Contrôle des structures (autorisation d’exploiter).

En cas de méconnaissance de ces engagements (conservation des parts ou constitution d’une société dédiée), et sauf accord exprès de sa part, la SAFER pourra demander l’annulation de l’apport ou de la vente au président du tribunal de grande instance, dans un délai de six mois à compter du jour où elle en aura eu connaissance, voire même d’en être déclarée acquéreur…

Enfin, une disposition supplémentaire au bénéfice des SAFER est ajoutée par le législateur avec la loi 2017-348 du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle. Pendant la période transitoire nécessaire à la rétrocession des biens acquis, les SAFER sont maintenant autorisées, par dérogation aux dispositions applicables aux sociétés civiles de personnes notamment GFA, GAEC, EARL, à maintenir dans le but de les rétrocéder, leur participation dans le capital de ces sociétés au titre des acquisitions de droits sociaux faites à l’amiable ou après exercice du droit de préemption.

La loi autorise pour finir les SAFER à détenir plus de 30 % de participations d’un GFR ou d’un GFA alors qu’elles étaient limitées antérieurement à 30%, et à y exercer une fonction de gestion, d’administration, voire de direction !

Maigre consolation…

Quelles conclusions doit-on alors tirer de ce nouvel échec législatif qu’est la censure d’un texte par les sages du Conseil constitutionnel ?

L’absence pour les S.A.F.E.R d’une véritable stratégie agronomique, environnementale et territoriale ?

Les deux censures du Conseils constitutionnel mettent en évidence en filigrane le manque patent de stratégie durable de ces entités où des problématiques foncières globales sont peu ou pas prises en compte et où nombre d’errements polluent la justesse des agissements.

On y lit aussi la hâte d’une rédaction d’un texte (proposé par le Gouvernement le 22 décembre 2016 sous le régime parlementaire dit de la procédure accélérée) omettant des réalités pratiques et de ce fait considéré comme portant « une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre ».

L’intervention par voie de préemption sur des parts ou actions cédées ne garantissait aucunement aux SAFER d’être majoritaires dans la société détentrice des biens ou des droits immobiliers, la rétrocession des parts ou actions dans cette situation n’assurant pas nécessairement l’installation d’un agriculteur ou même le maintien et la consolidation d’exploitation agricole.

Il est possible de se demander si « l’aménageur » qu’étaient initialement les SAFER ne s’est pas mué au fil des ans en « opérateur foncier » pour lequel l’indispensable volume d’affaires, apte à assurer sa survie budgétaire, accompagne pragmatiquement la satisfaction de certaines attentes foncières parfois à l’étonnement de tous

Sans nier que les transferts de parts sociales peuvent poser problème, faisons ici le constat qu’ils concernent pour l’essentiel des surfaces exploitées ; ils ne sont qu’un volet d’une problématique foncière, notamment en zone de plaine ou de vignobles prestigieux, oublieuse de préoccupations agronomiques, environnementales et territoriales.

A l’heure ou plus de 220 hectares de surface agricole utile quittent l’agriculture chaque jour, il est d’évidence que la protection des surfaces pouvant être utilisées à des fins agricoles (surfaces qui par essence ne sont pas délocalisables) mériterait une autre considération et une autre stratégie, le tout à budget constant pour l’Etat et les collectivités par un redéploiement de moyens.

La préservation agronomique des sols, indispensable à la pérennité d’un foncier productif, l’accroissement maximal des surfaces mises en culture et l’inscription de celles-ci dans une logique d’extensification agronomique économe en engrais et pesticides sont autant de logiques que les SAFER peuvent promouvoir.

Il en va tout autant de l’appui à l’esprit d’entrepreneurs de chef d’entreprises agricoles ne pouvant omettre dans leurs logiques les attentes des consommateurs de leurs produits, des riverains de leurs terres et la réalité des avantages comparatifs de la France portant sur des produits d’excellence capables de supporter un coût de main d’œuvre élevé.

« Les abus de la liberté tuerons toujours la liberté » écrivait André Maurois. Faut-il la brider pour éviter ses abus ?

C’est possible, répond le Conseil Constitutionnel, mais dans des limites acceptables….

A noter que dans le prolongement de la publication du présent article au mois de mars 2017, la SAFER a « contre-attaqué » et a obtenu, le 23 décembre 2021, l’adoption d’une loi dite « Sempastous » qui tente de remédier à l’absence de droit de préemption sur la cession partielle de parts sociales d’une société en soumettant certaines cessions de titres à un régime d’autorisation administrative. Nous reviendrons sur ce dispositif extrêmement contraignant dans un prochain article. 

Stéphane de SEZE

Avocat à la Cour de Bordeaux

Cabinet de SEZE & BLANCHY – JPA WINE & SPIRITS

contact@dsb-avocats.com

[1] Loi n° 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole — JORF du 7 aout 1960

[2] Loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole — JORF du 10 aout 1962

[3] loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole — JORF du 10 juillet 1999

[4] Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt — JORF du 14 octobre 2014

[5]Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques — JORF du 7 aout 2015

[6] Communiqué de presse du 13 décembre 2016 de la FNSAFER.

Bail à ferme – Indemnité au Preneur sortant : la plus-value apportée au fonds par les améliorations réalisées par le preneur ne constitue que le plafond de l’indemnité à laquelle il peut prétendre en fin de bail.

Une procédure girondine, ayant donné lieu à un arrêt de principe de la Cour de Cassation en date du 6 octobre 2016 (3ème ch. civ., n° de pourvoi 15-18.796) rendu sur pourvoi d’une décision de la Cour d’Appel de Bordeaux du 12 février 2015 (ch. soc. sect° B, RG n° 13/07147), vient rappeler aux praticiens quelques règles importantes en matière de calcul et de fixation de l’indemnité qui peut être due au fermier en fin de bail lorsque celui-ci a procédé à des améliorations sur le fonds loué.

Pour mémoire, les principes de l’indemnité au preneur sortant s’articulent autour des articles L 411-69 et suivants du Code rural et de la Pêche Maritime :

L’article L 411-69 énonce que le preneur qui a, par son travail ou ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.

L’article L 411-71, quant à lui, fixe les règles de calcul de cette indemnité en détaillant les modalités de calcul en fonction de la nature des améliorations, précisant que :

  • Pour les plantations, l’indemnité est égale à l’ensemble des dépenses, y compris la main d’œuvre, évaluées à la date de l’expiration du bail, qui auront été engagées par le preneur avant l’entrée en production, déduction faite d’un amortissement calculé à partir de cette dernière date, sans qu’elle puisse excéder le montant de la plus-value apportée aux fonds louée. (art. L 411-71-2°).

En Gironde, un arrêté préfectoral du 2 décembre 2013 fixe, sauf convention contraire entre les parties, la durée d’amortissement dans le département à un minimum général de 25 ans, réduit à 20 ans pour les cépages Cabernet Francs, Cabernets Sauvignon et Sauvignon Blancs, à partir de l’entrée en production et ce pour l’ensemble des vignobles girondins, la durée étant fixée à dire d’expert à défaut d’accord.

  • Pour les bâtiments et les ouvrages incorporés au sol, l’indemnité, si tant est que les aménagements conservent une valeur effective d’utilisation, est égale au coût des travaux, évalué à la date de l’expiration du bail, réduit, soit selon une table d’amortissement fixée par arrêté préfectoral (art. L 411-71-1°), soit de 6 % par an à défaut d’arrêté.

Dans le département de la Gironde, cette table d’amortissement est également fixée par l’arrêté préfectoral du 2 décembre 2013 (art. 6).

  • Pour les travaux de transformation du sol en vue de sa mise en culture ou d’un changement de culture, l’indemnité est égale à la somme que coûterait, à l’expiration du bail, les travaux fait par le preneur, déduction faite de l’amortissement dont la durée ne peut excéder 18 ans (art. L 411-71-3°).

L’article L 411-73, enfin, fixe les procédures d’autorisation que doit respecter le preneur pour que ses travaux puissent bénéficier d’une indemnité en fin de bail.

Il est en effet de jurisprudence constante qu’aux termes des articles L 411-69 et suivants du Code rural, seuls les travaux préalablement autorisés par le bailleur peuvent faire l’objet d’une indemnisation. (Civ. 3ième 10 juillet 1991 : Bull.civ. IV, n°207. Civ. 3ième 7 mai 2002 : RD rur. 2002. 461).

Peuvent toutefois être exécutés sans l’accord préalable du bailleur :

  • Les travaux dispensés de cette autorisation par la loi n° 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l’amélioration de l’habitat et les textes pris pour son application ;
  • Les travaux figurant sur une liste établie par décision administrative pour chaque région naturelle, en tenant compte de la structure et de la vocation des exploitations. Cette liste, établie en Gironde par l’article 10 de l’Arrêté Préfectoral du 2 décembre 2013, ne pourra comprendre que les travaux nécessités par les conditions locales et afférents en ce qui concerne l’amélioration des bâtiments d’exploitation existants, à l’installation de l’eau et de l’électricité dans ceux-ci, à la protection du cheptel vif dans les conditions de salubrité et à la conservation des récoltes et des éléments fertilisants organiques et, en ce qui concerne les ouvrages incorporés au sol, à la participation à des opérations collectives d’assainissement, de drainage et d’irrigation, ainsi qu’aux travaux techniques assurant une meilleure productivité des sols sans changer leur destination naturelle ;
  • Tous travaux, autres que ceux concernant les productions hors sol ainsi que les plantations, dont la période d’amortissement, calculée dans les conditions fixées par l’article L. 411-71, ne dépasse pas de plus de six ans la durée du bail. Toutefois, lorsqu’il n’a pas reçu congé dans le délai prévu à l’article L. 411-47 ou à l’article L. 416-3, selon le cas, il est ajouté à la durée du bail en cours celle du nouveau bail y compris la prorogation de plein droit prévue à l’article L. 411-58, deuxième alinéa.

Il est important de préciser que, même dispensés d’autorisation, le preneur doit impérativement, deux mois avant leur exécution, communiquer au bailleur un état descriptif et estimatif des travaux.

Le bailleur peut alors soit décider de les prendre à sa charge, soit, en cas de désaccord sur les travaux envisagés ou sur leurs modalités d’exécution, pour des motifs sérieux et légitimes, saisir le tribunal paritaire, dans le délai de deux mois à peine de forclusion.

Le preneur peut exécuter ou faire exécuter ces travaux si aucune opposition n’a été formée, si le tribunal n’a pas admis la recevabilité ou le bien-fondé des motifs de l’opposition dont il a été saisi, ou si le bailleur n’a pas entrepris, dans le délai d’un an, les travaux qu’il s’est engagé à exécuter.

Dans l’espèce commentée, la Cour d’Appel de Bordeaux a jugé dans son arrêt du 12 février 2015 qu’à défaut pour le preneur d’avoir respecté l’obligation d’information ci-dessus rappelée, les travaux en question (en l’occurrence la rénovation d’un chai existant) ne peuvent pas être pris en considération pour le calcul de l’indemnité due au preneur sortant, quand bien même seraient-ils dispensés d’autorisation préalable conformément aux dispositions qui précède. La sanction est donc particulièrement sévère pour le preneur.

Un autre point de litige concernait la densité des plantations nouvelles auxquelles le preneur avait procédé.

Alors que le bail autorisait le preneur à procéder à ces plantations nouvelles à condition qu’elles respectent le décret régissant l’appellation d’origine contrôlée, le preneur avait planté à une densité moindre que celle imposée par le texte règlementaire.

En raison de cette condition particulière de son autorisation qui n’avait pas été respectée, le bailleur contestait donc devoir indemnisation en fin de bail à son ex-fermier au titre desdites plantations.

La Cour d’Appel a néanmoins accordé une indemnité au preneur aux motifs que les plantations en question avaient été déclarées auprès de l’administration des douanes et droits indirects et reportées au casier viticole informatisé suivant des densités tolérées à l’époque où les vignes ont été plantées et qu’elles n’avaient fait l’objet d’aucune remarque depuis leur entrée en production, de sorte que ces plantations peuvent revendiquer le droit à l’appellation.

La Cour d’Appel a ajouté que la clause du bail qui conditionne l’autorisation de plantations au respect des règles régissant l’appellation n’avait de sens que pour permettre à l’exploitation de bénéficier de cette appellation, or tel a été le cas puisque le preneur a bénéficié de l’accord de l’administration en ce sens, de sorte que dans les rapports entre le preneur et le bailleur il convient de considérer que les stipulations contractuelles ont été respectées et que, sur le principe, le preneur peut prétendre à indemnité de ce chef…

Il convient de préciser que cette partie de l’arrêt de la Cour d’Appel, relativement critiquable, n’a pas été soumise à la censure de la Cour de Cassation et que la prudence commande donc au fermier de respecter strictement les clauses du cahier des charges de l’appellation concernée lorsqu’il procède à des plantations autorisées par le bailleur.

Enfin, l’arrêt de la Cour de Cassation du 6 octobre 2016 tranche, avec la force d’un arrêt de principe, une question importante qui faisait débat entre les parties.

L’Expert agricole désigné par le Juge des Référés du Tribunal Paritaire des Baux ruraux pour procéder à l’évaluation de l’indemnité au preneur sortant avait, conformément à sa mission judiciaire :

  • Non seulement estimé l’indemnité à laquelle le preneur pouvait prétendre conformément au mode de calcul prévu par l’article L. 411-71 du Code Rural et de la Pêche Maritime ;
  • Mais également donné un avis sur la plus-value apportée au fonds par les améliorations (plantations et constructions) réalisées par le preneur.

Estimant manifestement l’indemnité fixée par l’Expert comme « insuffisante », le preneur avait imaginé demander au Tribunal, statuant au fond sur le rapport de l’Expert, une indemnité correspondant à la plus-value apportée au fonds qui, calculée sur la différence entre valeur de la terre plantée en vigne et celle de la terre nue, était dans cette appellation communale du Médoc environ dix fois supérieure à l’indemnité calculée selon les prescriptions de l’article L. 411-71 du Code Rural et de la Pêche Maritime…

Débouté de cette demande par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux, le preneur avança une débauche d’arguments divers et variés (faute du bailleur dans l’exécution du contrat et dans son obligation de loyauté, accord dérogatoire passé entre les parties, indemnisation des constructions et plantations sur le sol d’autrui de l’article 555 du Code Civil, théorie de l’enrichissement sans cause, etc.) qui furent tous écartés par la Cour d’Appel et par la Cour de Cassation.

La seconde juge en effet que la première a légalement justifié sa décision ;

  • En retenant exactement que les dispositions des articles L. 411-69 et L. 411-71 du Code Rural et de la Pêche Maritime excluent pour le preneur sortant toute autre forme d’indemnisation que l’indemnité égale au coût des travaux et améliorations évalués à l’expiration du bail après déduction d’un amortissement par année d’utilisation, quel que soit le fondement juridique invoqué ;
  • En relevant que les parties n’avaient conclu aucun accord particulier relatif à une indemnisation complémentaire du preneur au titre de la plus-value apportée au fonds loué.

En d’autres termes, s’il est loisible aux parties de convenir librement de modalités de calcul de l’indemnité de fin de bail plus favorables au preneur que ne le sont les modalités légales (sachant qu’inversement le preneur ne peut pas renoncer par avance aux avantages qu’il tire de la loi), à défaut d’un tel accord dument constaté par le juge du fond, sont seules applicables les modalités de calcul tirées des articles L. 411-69 et L. 411-71 du Code Rural, textes spéciaux et d’ordre public, à l’exclusion de tout autre mode d’indemnisation.

Par ailleurs, si les Experts désignés en justice pour calculer l’indemnité au preneur sortant informent généralement le Tribunal de la plus-value apportée au fonds par les améliorations, c’est uniquement parce que celle-ci, mentionnée dans les textes comme référence plafond de l’indemnité due au preneur sortant, n’intervient dans l’appréciation de cette dernière qu’en lui fixant un maximum, ce qui exclut par définition qu’elle puisse être invoqué pour une indemnisation complémentaire ou comme mode d’indemnisation spécifique.

Pour conclure, nous rappellerons :

  • Que la récente loi d’avenir du 14 octobre 2014 prévoit en son article 6 que la demande (judiciaire) en indemnisation se prescrit par douze mois à compter de la date de fin du bail, à peine de forclusion (art. L. 411-69 dernier alinéa) ;
  • Que le débiteur de l’indemnité au preneur sortant est le bailleur, c’est-à-dire, en cas de démembrement de propriété, l’usufruitier.

Le preneur sortant ne doit donc pas tarder à agir, à défaut d’accord amiable, pour faire valoir ses droits devant le Tribunal et…poursuivre la bonne personne.

Stéphane de SEZE – Wladimir BLANCHY

Avocats à la Cour de Bordeaux

Cabinet de SEZE & BLANCHY – JPA WINE & SPIRITS

contact@dsb-avocats.com

Publié dans l’Union Girondine des Vins de Bordeaux du mois de novembre 2016

N’est pas agriculteur qui veut : Les contrôles de l’Etat sur les transferts de propriétés et d’exploitations agricoles (Seconde Partie)

Nous avons étudié, dans un précédent article, l’action des SAFER sur les mutations de propriétés agricoles.

Un second type de contrôle est mis en place par la Loi, qui concerne non pas la propriété, mais les faits d’exploitation.

J’achète, on me donne (et j’ai échappé à la préemption de la SAFER…), je loue ou je veux reprendre un bien agricole que j’avais donné à bail, ai-je pour autant le « droit » de l’exploiter ?

 

OBJECTIFS DU CONTROLE DES STRUCTURES :

Le contrôle des structures, anciennement dénommé « contrôle des cumuls » et visant historiquement à empêcher une trop grande concentration de terres agricoles entre les mêmes mains ou encore un démembrement d’exploitations viables, est un outil de mise en application de la politique d’orientation agricole de l’Etat dont les objectifs actuels sont, dans l’ordre :

  • Un objectif prioritaire : l’installation d’agriculteurs, y compris dans une démarche d’installation progressive.
  • Et trois objectifs alternatifs :

1° Consolidation ou maintien des exploitations existantes leur permettant d’atteindre ou de conserver une taille économiquement viable ;

2° Développement des systèmes de production combinant performances économique et performance environnementale (apport de 2014) ;

3° Maintien d’une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d’exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d’une même personne physique ou morale excessifs au regard des critères précisés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.

Institué par une loi du 15 juin 1949 et codifié dans le Code Rural et de la Pêche Maritime, il a fait l’objet de nombreuses réformes de renforcement ou d’assouplissement (1958, 1962, 1980, 1984, 1990, 1995, 1999, 2005 et 2006) jusqu’à la Loi d’Avenir du 13 octobre 2014 supposée mettre en place, selon le ministère, « un régime renforcé, simplifié et régionalisé pour éviter les stratégies de contournement (notamment en utilisant le cadre sociétaire, mais on va voir que certaines mesures n’ont pas plu au Conseil Constitutionnel…) et en harmoniser l’application sur le territoire national ».

 

PARTICULARITES DU CONTROLE DES STRUCTURES

Il s’agit d’un contrôle national, unique en Europe (il s’applique aux exploitations sur le sol français, y compris pour les exploitants étrangers, mais en ne tenant pas compte des terres exploitées à l’étranger) et administratif (arrêté préfectoral = acte administratif unilatéral, avec possibilité de recours devant le Tribunal Administratif) qui s’applique non pas aux transferts de propriétés, mais aux créations ou aux modifications de l’exploitation d’un fonds agricole (installation, agrandissement, réunion, reprise ou suppression d’exploitation, etc.) quel que soit le statut juridique de l’entité exploitante (personne physique ou société).

 

CHAMP D’APPLICATION : qu’est-ce qui est soumis à contrôle ?

Certaines opérations qui peuvent être envisagées par des agriculteurs en exercice ou de futurs agriculteurs sont soumises à contrôle de l’administration régionale (autrefois départementale) en fonction des critères, tenant aux superficies, aux personnes ou aux distances entre exploitations, fixés par la Loi et explicités par le Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles (SDREA, adopté en Aquitaine le 31 décembre 2015, anciennement départemental) :

  • Dépassement du seuil de superficie : Installations, agrandissements ou réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole, d’une ou plusieurs personnes physiques ou morales, d’une superficie supérieure au seuil de déclenchement fixé par le S.D.R.E.A. qui, en Aquitaine, est celui de la Surface Agricole Utile Régionale Moyenne de 34,2 ha[1], pondéré par des coefficients d’équivalence en fonction des types de productions ou des régions naturelles. Les seuils ont été sérieusement rabaissés afin d’élargir le contrôle à un plus grand nombre d’opérations.

Exemples :Vignes du groupe 1 (Bordeaux, Bordeaux Sup, Côtes de blaye, etc.) coeff. 2,01, soit 17 ha[2] ; Vignes du groupe 4 (Pauillac, Pomerol, Pessac Léognan, etc.) coeff. 6,84, soit 5 ha.

  • Installations, agrandissements ou réunions d’exploitations portant atteinte à une autre exploitation (exemple : reprise de parcelles louées) :
  1. supprimant une exploitation agricole dont la superficie excède le seuil fixé par le SDREA ;
  2. démantelant une exploitation en ramenant sa superficie en deçà de ce seuil ;
  3. ou la privant d’un bâtiment essentiel (sauf reconstruction ou remplacement).
  • Conditions tenant aux personnes : Quelle que soit la surface, les installations, agrandissements ou réunions d’exploitations au bénéfice d’une exploitation agricole :
  1. dont l’un des membres ayant la qualité d’exploitant ne remplit pas les conditions de capacité (diplômes agricoles) ou d’expérience professionnelle (+ 5 ans sur au moins le 1/3 de la SAUR moyenne).
  2. et/ou ne comportant pas de membre ayant la qualité d’exploitant,
  3. et/ou d’un exploitant pluriactif remplissant les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle, mais dont les revenus (personnels et non du foyer fiscal, nouveauté 2014) extra-agricoles excèdent 3120 fois le montant horaire du SMIC (hors le cas des  « exploitants [pluriactifs dont les revenus excèdent le seuil] engagés dans un dispositif d’installation progressive, au sens de l’article L. 330-2 », nouveauté 2014) ;

Suppression du critère de contrôle lié à l’âge par la Loi de 2014. 

  • Agrandissements ou réunions d’exploitations avec des parcelles dont la distance par rapport au siège est supérieure à un seuil fixé (de manière manifestement facultative) par le S.D.R.E.A. (art. L. 331-2-I-4°). 10 km en Aquitaine = distance orthodromique[3] entre le siège de l’exploitation du demandeur et le point le plus proche de chaque parcelle faisant l’objet de la demande d’autorisation d’exploiter.

 

OPERATIONS LIBRES :

A contrario, les autres opérations ne relevant pas de l’un ou l’autre des critères ci-dessus sont « libres » (elles peuvent être réalisées sans autorisation), ainsi que celles résultant de l’apport en société des exploitations individuelles de deux époux ou partenaires de pacs (nouveauté 2014) ou de la transformation, sans modification, d’une exploitation individuelle en exploitation sociétaire.

 

REGIME DE FAVEUR DE LA DECLARATION PREALABLE POUR LES OPERATIONS FAMILIALES :

Il existe également un régime de simple déclaration préalable, donc beaucoup plus souple, pour certaines opérations dites « familiales » correspondant à mise en valeur d’un bien reçu d’un parent ou allié jusqu’au 3e degré inclus par donation ou succession, par location ou par vente, qui est applicable lorsque sont réunies 4 conditions cumulatives :

  1. Capacité ou expérience professionnelle du demandeur ;
  2. Bien libre de location au jour de la déclaration ;
  3. Bien détenu par le parent ou allié jusqu’au 3e degré depuis au moins 9 ans directement ou par l’intermédiaire d’une société familiale et dont les parts ne peuvent représenter que les biens détenus en propriété.
  4. Nouvelle condition Loi de 2014 : Les biens sont destinés à l’installation d’un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l’exploitation du déclarant, dès lors que la surface totale de celle-ci après consolidation n’excède pas le seuil de surface fixé par le S.D.R.E.A. (ne concerne donc pas, a priori, l’installation, qui peut porter sur une superficie excédant le seuil) : restriction importante apportée par la Loi de 2014, qui était souhaitée par diverses organisations agricoles.

 

LES OPERATIONS SAFER ET LE CONTROLE DES STRUCTURES

La SAFER semble être sortie plutôt gagnante de la Loi de 2014 s’agissant de la soumission de ses opérations au contrôle des structures (le régime était relativement compliqué auparavant, en fonction des cas de figure) dans la mesure où tient tout simplement lieu d’autorisation l’avis favorable donné à la rétrocession par le commissaire du Gouvernement représentant le ministre chargé de l’agriculture (qui doit tout de même tenir compte, dans son avis et en cas de candidatures multiples, non seulement des motifs de rétrocession de la SAFER, mais aussi du SDREA).

La question peut se poser de savoir si cet avis, qui s’apparente désormais plus à une décision faisant grief, pourrait être attaqué devant les juridictions administratives ?

 

LA DECISION PREFECTORALE D’AUTORISATION OU DE REFUS D’AUTORISATION D’EXPLOITER

S’agissant de la décision du Préfet de Région (prise dans un délai de 4 mois pouvant être porté à 6 mois, après consultation, manifestement facultative désormais, de la Commission Départementale d’Orientation de l’Agriculture), selon le nouvel article L. 331-3-1 du Code Rural : « L’autorisation mentionnée à l’article L. 331-2 peut être refusée :

1° Lorsqu’il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l’article L. 312-1 ;

2° Lorsque l’opération compromet la viabilité de l’exploitation du preneur en place ;

3° Si l’opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d’exploitations au bénéfice d’une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l’article L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l’article L. 312-1[4], sauf dans le cas où il n’y a pas d’autre candidat à la reprise de l’exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place[5] ;

4° Dans le cas d’une mise à disposition de terres à une société, lorsque celle-ci entraîne une réduction du nombre d’emplois salariés ou non-salariés, permanents ou saisonniers, sur les exploitations concernées. »

Le Préfet de la Région va également, désormais, départager les candidatures relevant du même rang de priorité en utilisant une grille de critères très précis, définis dans le SDREA et permettant « noter » l’intérêt économique et environnemental des différents projets concurrents.

En présence de plusieurs candidats à égalité de rang, ce n’est que lorsque l’écart de points sera inférieur ou égal à 10 que pourront être délivrées plusieurs autorisations.

 

LES OPERATIONS SOCIETAIRES

S’agissant de l’épineuse question des opérations sociétaires[6], la Loi avait envisagé de soumettre à contrôle, en la qualifiant d’agrandissement ou de réunion d’exploitation, toute prise de participation directe ou indirecte d’un agriculteur dans une société agricole.

Cette disposition a été censurée le 9 octobre 2014 par le Conseil Constitutionnel qui a considéré qu’en ne réservant pas cette qualification aux prises de participation significatives, elle portait une atteinte disproportionnée, au regard de l’objectif poursuivi, au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre.

La question reste de savoir si, aujourd’hui, une prise de contrôle « significative » par un agriculteur dans une autre société agricole (dont il peut également devenir associé exploitant et pourquoi pas gérant) peut être constitutive d’un agrandissement (ou d’une réunion) d’exploitation sachant que, avant la Loi de 2014, l’administration contrôlait la « double participation » conformément à deux circulaires ministérielles de 2006 et 2008 interprétant des dispositions du Code Rural, inchangées par la Loi de 2014, selon lesquelles :

  • « Est qualifié d’exploitation agricole l’ensemble des unités de production mises en valeur, directement ou indirectement, par la même personne, quels qu’en soient le statut, la forme ou le mode d’organisation juridique ». (art. L. 331-1-1-1°)
  • « Est qualifié d’agrandissement d’exploitation ou de réunion d’exploitations au bénéfice d’une personne le fait, pour celle-ci, mettant en valeur une exploitation à titre individuel ou dans le cadre d’une personne morale, d’accroître la superficie de cette exploitation ». (art. L. 331-1-1-2°)
  • « Pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il est tenu compte de l’ensemble des superficies exploitées par le demandeur, sous quelque forme que ce soit et toutes productions confondues […] ». (art. L. 331-1-1-3°)
  • « Une personne associée d’une société à objet agricole est regardée comme mettant en valeur les unités de production de cette société si elle participe aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de ces unités de production ». (art. R. 331-1).

A défaut de maintien de ce contrôle de la « double participation » (que la Loi de 2014 voulait renforcer « excessivement » selon le Conseil Constitutionnel) toute la règlementation relative au contrôle des structures ne deviendrait qu’un lointain souvenir tant il serait aisé de la contourner.

 

SANCTIONS EN CAS D’EXPLOITATION SANS AUTORISATION

Enfin, règlementation du contrôle des structures, afin d’en assurer l’efficacité, prévoit un régime de sanctions civiles et administratives (les sanctions pénales ayant été supprimées en 1999) à savoir :

  • d’une part, la nullité du bail à ferme, le cas échéant, dont la validité est subordonnée à l’obtention de l’autorisation d’exploiter si elle est nécessaire. Le préfet, le bailleur ou parfois la SAFER peut donc saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux (TPBR) pour voir prononcer ladite nullité ;
  • D’autre part, le refus des aides publiques à l’agriculture et des amendes administratives (304,90 à 914,70 €/ha).

La procédure de sanction est assez complexe, le contrevenant étant d’abord mis en demeure de régulariser sa situation (ce qu’il ne peut pas faire s’il exploite en dépit d’une décision de refus d’autorisation d’exploiter déjà rendue…), puis de cesser l’exploitation des terres concernées.

Il peut ensuite contester les sanctions pécuniaires prises à son encontre devant une commission des recours.

 

BAIL FORCE

Mais la véritable « sanction » est que si à l’expiration de l’année culturale au cours de laquelle la mise en demeure de cesser d’exploiter est devenue définitive un nouveau titulaire du droit d’exploiter n’a pas été retenu, toute personne intéressée peut demander au Tribunal Paritaire des Baux Ruraux le droit d’exploiter le fond, celui-ci fixant les conditions de jouissance (en cas de pluralité de candidats, le TPBR choisi en fonction des priorités définies au SDREA).

En d’autres termes, par exemple, si, en franchissant l’obstacle du droit de préemption de la SAFER, je me porte acquéreur d’une propriété agricole en vue de l’exploiter sans prendre la précaution de conditionner la vente à l’obtention de mon autorisation d’exploiter, je risque donc de me retrouver privé du droit d’exploiter et obligé de louer cette propriété à un tiers qui m’est prioritaire au regard du SDREA…

N’est donc pas exploitant agricole qui veut, loin s’en faut…

 

Wladimir BLANCHY, avocat au Barreau de Bordeaux

Associé du cabinet de SEZE & BLANCHY – JPA WINE & SPIRITS

w.blanchy@dsb-avocats.com

[1] Autrefois Unité de Référence = 22 ha de vignes de Bx Rouge, soit 120 ha pour les grandes cultures et l’élevage et seuil de contrôle à 1,5 UR

[2] Autrefois 1,5 UR, soit 33 ha de vignes de Bx Rouge et 15 ha pour Pomerol, Pauillac, etc.

[3] Du grec orthodromeîn : courir en ligne droite (« à vol d’oiseau » n’était manifestement pas suffisamment technocratique…).

[4] En Aquitaine, un agrandissement (ou une concentration d’exploitations) est considéré comme excessif lorsque la surface pondérée qu’il est envisagé d’exploiter dépasse 4 fois la SAU régionale moyenne par Agriculteur à Titre Principal (à relativiser, donc, dans les sociétés ayant plusieurs associés exploitants).

[5] Sachant qu’autrefois, la jurisprudence avait pu considérer que l’unicité de candidature n’obligeait pas à la délivrance d’une autorisation (CA Douai 30 jan. 2003 ; RDRur 2003 p. 283 et 475).

[6] On se souviendra, à ce propos, que la loi de 2006, procédant à un assouplissement, était revenue sur l’assimilation à un agrandissement de toute diminution du nombre d’associés exploitants dans une société édictée par la loi de 1999 qui était particulièrement sévère (système du « quotient »).

Article UGVB août 2016

N’est pas agriculteur qui veut : Les contrôles de l’Etat sur les transferts de propriétés et d’exploitations agricoles (première partie)

Les professionnels et les acteurs du monde agricole sont régulièrement confrontés, depuis des décennies, à deux grands types de contrôles destinés à mettre en œuvre la politique d’orientation agricole de l’Etat, sujet d’intérêt général s’il en est.

Le premier, qui s’applique aux mutations de propriétés agricoles, est confié à la SAFER et sera étudié dans cet article.

Le second, qui concerne les changements qui peuvent intervenir dans les exploitations agricoles, sera évoqué dans un prochain article.

 

MISSIONS DES SAFER :

Les S.A.F.E.R (Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural), qui sont aujourd’hui au nombre de 26, ont été créées par la Loi d’Orientation Agricole de 1960 sous forme de personnes morales de droit privé (sociétés anonymes), sans but lucratif, sous tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances.

Leurs objectifs initiaux consistaient à réorganiser les exploitations agricoles, dans le cadre de la mise en place d’une agriculture plus productive et de l’installation de jeunes agriculteurs, par la régulation et la maîtrise du marché foncier agricole.

Elles sont désormais investies de larges missions d’intérêt général :

  1. Protection des espaces agricoles, naturel et forestiers, en favorisant l’installation, le maintien et la consolidation d’exploitations agricoles afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable au regard du SDREA, ainsi que l’amélioration de la répartition parcellaire des exploitations. Ces interventions doivent concourir à la diversité des systèmes de production, notamment ceux permettant de combiner les performances économique, sociale et environnementale et ceux relevant de l’agriculture biologique.
  2. Diversité des paysages, protection des ressources naturelles et maintien de la diversité biologique ;
  3. Développement durable des territoires ruraux ;
  4. Transparence et régulation du marché foncier.
  5. Les SAFER ont également pour mission de lutter contre la spéculation foncière et le développement urbain en devenant des instruments d’aménagement et de développement rural et forestier, contribuant notamment à la protection de l’environnement et des paysages.

 

OBJECTIFS DU DROIT DE PREEMPTION

Le principal moyen d’action des SAFER est le droit de préemption qui lui a été conféré en 1962 et qui peut (car la SAFER n’est jamais « obligée » de préempter) être utilisé pour remplir un ou plusieurs des objectifs suivants (version 2014) :

1° L’installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs ;

2° La consolidation d’exploitations afin de permettre à celles-ci d’atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l’amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, conformément au SDREA.

3° La préservation de l’équilibre des exploitations lorsqu’il est compromis par l’emprise de travaux d’intérêt public ;

4° La sauvegarde du caractère familial de l’exploitation ;

5° La lutte contre la spéculation foncière ;

6° La conservation d’exploitations viables existantes lorsqu’elle est compromise par la cession séparée des terres et de bâtiments d’habitation ou d’exploitation ;

7° La mise en valeur et la protection de la forêt ainsi que l’amélioration des structures sylvicoles dans le cadre des conventions passées avec l’État ;

8° La protection de l’environnement, principalement par la mise en œuvre de pratiques agricoles adaptées, dans le cadre de stratégies définies par l’État, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes ;

9° La protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (préemption pour le compte des collectivités).

Chose importante et souvent ignorée, il n’existe pas de hiérarchie entre ces différents objectifs et la SAFER peut motiver ses décisions de préemption et de rétrocession (après avis du comité technique et des commissaires du gouvernement) par référence à l’un et/ou l’autre de ces objectifs (mais en faisant état d’éléments concrets), ce qui rend relativement difficile toute éventuelle contestation judiciaire (devant les juridictions civiles), sauf en cas d’abus manifeste ou d’erreur de « procédure » qui sont désormais de plus en plus rares.

Par ailleurs, la contestation de la décision de préemption peut présenter un intérêt certain pour l’acheteur initial évincé par la préemption SAFER qui emportera finalement la vente en cas de succès de son action.

En revanche, l’action dirigée contre la seule décision de rétrocession paraît relativement peu intéressante pour l’acheteur évincé dans la mesure où, en cas de succès, la SAFER redevient propriétaire du bien dont la rétrocession est annulée et elle n’a plus qu’à remettre en œuvre une procédure de rétrocession que le contestataire n’est pas assuré de remporter, les Tribunaux n’ayant pas le pouvoir de substituer le demandeur à l’action au rétrocessionnaire qui avait été retenu par la SAFER.

 

CHAMP D’APPLICATION DU DROIT DE PREEMPTION

Classiquement, le droit de préemption de la SAFER s’applique aux aliénations d’immeubles agricoles à titre onéreux, telle que la vente, quelle que soit la forme revêtue par l’acte translatif (vente de gré à gré, adjudications volontaires ou forcées, apports en société), hors les cessions dans le cadre des procédures collectives.

Toutefois, certaines aliénations particulières échappent au droit de préemption, tels que :

  • les échanges,
  • ainsi que les partages d’indivision et cessions entre indivisaires, dépourvus d’effet translatif,
  • ou encore les apports de biens à un groupement foncier agricole ou rural constitué entre membres de la même famille jusqu’au quatrième degré inclus,
  • et les apports faits à un tel groupement par un propriétaire exploitant lesdits biens.

Par ailleurs, le droit de préemption du fermier en place depuis plus de 3 ans prime, classiquement, celui de la SAFER (d’où l’intérêt de louer un bien agricole avant de l’acheter, si toutefois le bail n’est pas « fictif » et que le preneur est en règle au regard du contrôle des structures…).

 

PROCEDURE

La notification des conditions de la vente faite à la SAFER par le Notaire du vendeur (ou par le rédacteur d’acte pour les droits sociaux) vaut offre de vente et, en cas d’exercice de son droit par la SAFER, la vente est parfaite, sans que les parties originelles ne puissent soumettre la validité de la vente à une condition de non exercice de son droit de préemption par la SAFER (ne s’applique cependant pas aux apports en société qui peuvent être réalisés sous condition de non-préemption de la SAFER).

Précisons que la SAFER peut contester le prix qui est fixé entre les parties originelles et en proposer un moindre, ne laissant alors au vendeur d’autre ressource que :

  • de l’accepter,
  • de demander la fixation judiciaire du prix,
  • ou de retirer le bien de la vente (son silence pendant 6 mois valant acceptation du prix proposé par la SAFER, sauf s’il décède pendant ce délai), même en cas de fixation judiciaire qui ne le satisfait pas.

 

ELARGISSEMENT DU DROIT DE PREEMPTION PAR LA LOI DE 2014

Afin de contrecarrer diverses tentatives de contournement, la loi d’Avenir pour l’Agriculture et la Forêt du 13 octobre 2014 a étendu, à compter du 1er janvier 2016, le droit de préemption des SAFER :

Aux cessions de parts sociales ou actions de sociétés (de forme civile ou commerciale) à objet principalement agricole lorsque 100 % du capital est transmis et pour l’installation d’un agriculteur.Cette réforme laisse les commentateurs quelque peu dubitatifs dans la mesure où :

  • Il semble presque « trop » aisé d’échapper à la préemption en ne cédant pas 100 % du capital de la société ou en le cédant en deux temps…
  • Certaines sociétés doivent avoir plusieurs associés (SA ou GAEC) et/ou ne peuvent avoir que des associés personnes physiques exploitants (GAEC) ce qui implique que la SAFER dispose immédiatement de candidats à la rétrocession remplissant ces conditions ;
  • Même si des informations financières doivent être communiquées à la SAFER par le rédacteur de l’acte (bilans, etc.), une cession de titres est souvent complexe et périlleuse pour l’acquéreur et suppose en pratique de nombreuses investigations et audits préalables (juridique, comptables, financiers, sociaux, techniques, etc.) que la SAFER n’aura peut-être pas le temps ni les moyens de conduire (ce qui devrait la conduire à la plus grande prudence…) ;

Aux donations (cessions à titre gratuit), à moins qu’elles ne soient réalisées dans le cadre familial (entre ascendants et descendants, entre collatéraux jusqu’au 6ème degré, entre époux ou partenaires de pacs ou entre une personne et les descendants de son conjoint ou partenaire de pacs). Attention, dès lors, de ne pas « sous-évaluer » les biens dans la donation à un tiers à la famille comme on peut être tenté de le faire pour chercher à limiter l’assiette des droits de donation…

Aux aliénations à titre onéreux de l’usufruit ou de la nue-propriété (hors les cas où l’acquisition qui lui est notifiée a pour objet de reconstituer la pleine propriété d’un bien). L’acquisition prioritaire de la nue-propriété est cependant subordonnée à des conditions spéciales : lorsqu’elle détient déjà l’usufruit du même bien, lorsqu’elle est en mesure d’acquérir l’usufruit concomitamment (difficile…) ou lorsque la durée de l’usufruit restant à courir ne dépasse pas deux ans (ce qui exclut tous les usufruits viagers dont le terme est incertain).

Notons que le Conseil Constitutionnel a censuré une disposition de la Loi qui permettait aux SAFER de préempter la nue-propriété dans le but de la rétrocéder dans les 5 ans à l’usufruitier, faute de garantie légale pour faire respecter ce délai.

Enfin, la loi de 2014 a créé un droit de préemption « partiel » en cas de cession de biens mixtes (vente simultanée de biens indivisibles soumis au droit de préemption et d’autres qui ne le sont pas), avec faculté pour le vendeur, toutefois, d’exiger que la préemption porte sur le tout ou de solliciter une indemnisation pour compenser la perte de valeur des immeubles non préemptés.

 

ACTIVITE DES SAFER

A titre illustratif, les SAFER ont exercé en France 1.360 préemptions en 2012 (souvent sur demande d’un acquéreur potentiel tiers à la vente notifiée…), pour une surface de 6.900 ha et une valeur de 53 M€ (0,7% du nombre total des notifications de vente transmises par les notaires aux SAFER).

Toutefois ces acquisitions par préemption ne représentent que 14% du nombre, 8% de la surface et 5% de la valeur de l’ensemble des acquisitions réalisées par les SAFER.

Cela signifie que les vendeurs de biens susceptibles d’être préemptés privilégient généralement les ventes amiables à la SAFER en lui consentant une promesse de vente avec faculté de substitution.

Pour un autre exemple plus récent et plus proche de nous, en 2015, la SAFER Aquitaine Atlantique a réalisé en Gironde 533 acquisitions pour 2098 ha (26 %, en surface, du marché foncier accessible, c’est-à-dire l’ensemble des biens notifiés à la SAFER à l’exception des achats des fermiers en place et des exemptions, et 13 % en valeur) pour une valeur de 85,2 M€, dont 71 ha seulement acquis par l’exercice du droit de préemption, soit moins de 3,5 %.

80 % de ces acquisitions concernent des lots inférieurs à 5 ha et les ¾ des opérations portent sur des biens d’une valeur inférieure à 75.000 € (10 % sur des biens d’une valeur supérieure à 300.000 €), ce qui démontre la forte implication de la SAFER sur les simples mutations de parcelles dans un but de restructuration foncière, plus que sur les propriétés entières.

L’acquéreur d’un bien agricole qui n’a pas été évincé par la SAFER (ou celui qui a finalement choisi de le prendre à bail) va se heurter à un second obstacle étatique de taille : le contrôle des structures, qui sera étudié dans le prochain article. A suivre, donc…

Wladimir BLANCHY

Avocat au Barreau de Bordeaux

Associé du cabinet de SEZE & BLANCHY – JPA WINE & SPIRITS

w.blanchy@dsb-avocats.com

Article UGVB juillet 2016

Analyse du marché foncier viticole bordelais et cognacais (année 2015)

C’est traditionnellement au mois de mai que la S.A.F.E.R publie son analyse des marchés fonciers ruraux donnant un étude statistique des ventes de vignes au cours de l’année écoulée (« Le prix des terres – Analyses des marchés Fonciers Ruraux  2015» – FNSafer – Mai 2016).

L’année 2015 vient de paraître et nous donne un bon aperçu des cours et du marché des vignes en Bordelais et en Cognaçais même si ces éléments doivent être pris avec prudence puisque une importante partie des ventes (plus du 1/3 en Bordelais) interviennent aujourd’hui à travers des structures sociétaires dont la cession de parts échappe au droit de préemption de la S.A.F.E.R. (sauf depuis le 1ier janvier 2016, lorsque 100 % des parts sont cédées).

Le premier enseignement de cette étude est que si les marchés Bordelais et Cognaçais restent actifs et sont assez comparable en nombre de vente (870 pour le Bordelais et 710 pour le Cognaçais) et en progression par rapport à l’année 2014 ( + 1 %), la taille des biens vendus continue à différer. Ce sont en effet 3.200 hectares qui se sont vendus en Bordelais pour un montant global de 204 millions d’euros et seulement 1.630 hectares en Cognaçais pour 44 millions. Outre les différences évidentes des prix des vignes, il faut également y voir la bonne santé actuelle des prix du cognac limitant les offres sur le marché.

Le second enseignement est qu’en Bordelais, la « folie chinoise » s’est apaisée notamment sur les propriétés à la vente comprenant vignes, bâtiments d’exploitation et maison de maître. Si en 2011 et 2013, un bien « bâti » sur trois était acheté par des particuliers ressortissants de l’Empire du milieu recherchant un « château », l’année 2015 a vu ce type de cessions ramené à un sur dix et essentiellement pour de grands groupes d’investissement chinois. En Cognaçais, si la forte baisse des volumes vendus de Cognac sur le marché chinois de 2014 avait peu influer sur le prix des vignes, l’année 2015 marque une embellie des prix à l’hectare (+ 4,1 %) avec une dominante moyenne, toutes AOP confondues, à 42.700 € à l’hectare et pouvant aller jusqu’à 58.000 € pour les « fins bois », « Grande Champagne » et « Petite Champagne ».

Le Bordelais se caractérise par le maintien des prix pour les appellations communales, essentiellement en raison du peu de biens mis sur le marché, mais surtout par un mouvement de replis des investisseurs vers des appellations qui avaient été jusqu’à maintenant un peu délaissées. C’est notamment le cas des appellations « Canon Fronsac » (+ 14 %), « Fronsac » (+ 20 %) et « Lalande de Pomerol » (+ 11 %). On mettra en rapport ces chiffres avec ceux des marchés de ces vins commentés dans un précédent article, le marché foncier réagissant généralement un ou deux ans après celui des vins.

Dans les extrêmes, on notera que les « Pomerol » (situés sur le plateau) continuent à caracoler en tête (4.400.000 €/ha) et que les « Bordeaux » (rouges et blancs) ferment la marche avec des ventes ayant été réalisées sur la base de 6.000 €/ha, inférieur au coût de plantation. Enfin on notera encore que le prix des vignes produisant des vins liquoreux reste le reflet des difficultés rencontrées sur le marché actuel de leurs vins, des appellations prestigieuses comme le « Sauternes » ayant vu le prix de leurs vignes divisé par moitié en 5 ans et se négociant péniblement à une dominante de 35.000 €/ha, voire certaines à 12.000 € lorsque le projet de l’acquéreur est d’abandonner cette production au profit de vins secs.

 

Bordelais Minimum

(€/ha)

Maximum

(€/ha)

Dominante

(€/ha)

Blaye Côtes de Bx 10.000 31.000 18.000
Bordeaux blanc 6.000 24.000 15.000
Bordeaux rouge 6.000 24.000 15.000
Castillon Côtes de Bx 10.000 30.000 18.000
Canon Fronsac 40.000 100.000 80.000
Castillon et Francs Côtes de Bx 12.000 30.000 20.000
Côtes de Bourg 12.000 27.000 22.000
Fronsac 17.000 45.000 30.000
Graves blanc 10.000 50.000 27.000
Graves de Vayres 8.000 24.000 16.000
Graves rouge 10.000 50.000 27.000
Haut Médoc 50.000 125.000 80.000
Lalande de Pomerol 160.000 230.000 200.000
Liquoreux rive droite 6.000 22.000 15.000
Listrac 60.000 90.000 75.000
Médoc 40.000 80.000 50.000
Moulis 50.000 110.000 80.000
Pauillac 1.500.000 2.300.000 2.000.000
Pessac Léognan 150.000 600.000 450.000
Pomerol 750.000 4.400.000 1.100.000
Saint Emilion 170.000 2.300.000 220.000
Saint Estèphe 280.000 900.000 350.000
Saint Julien Margaux 800.000 1.600.000 1.200.000
Satellites Saint Emilion 70.000 110.000 90.000
Sauternes 12.000 200.000 35.000
Cognaçais
Cognac Bon bois (16) 22.000 35.000 27.000
Cognac Bon bois (17) 25.000 38.000 30.000
Cognac Borderies (16) 35.000 48.000 45.000
Cognac Borderies (17) 28.000 43.000 40.000
Cognac Fins bois (16) 25.000 58.000 45.000
Cognac Fins bois (17) 30.000 50.000 42.000
Cognac Grande Champagne (16) 30.000 58.000 50.000
Cognac Petite Champagne (16) 30.000 50.000 40.000
Cognac Petite Champagne (17) 35.000 58.000 45.000

Me Stéphane de SEZE

Juin 2016

Questions-réponses sur le statut du fermage viticole

Loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt du 13 octobre 2014

Très à la mode dans le paysage audiovisuel, le « quiz », mot emprunté à la langue de Shakespeare, est défini par le LAROUSSE comme un « jeu, concours par questions et réponses ». En dehors de son aspect ludique, c’est également un exercice auquel le juriste se trouve souvent contraint lorsque son client s’interroge sur ses droits au regard de l’arsenal législatif et réglementaire du statut du fermage.

Le présent article, rédigé sous cette forme, n’a pas vocation à répondre à toutes ces interrogations mais à synthétiser les questions les plus récurrentes notamment au regard de la jurisprudence rurale et de la nouvelle loi du 13 octobre 2014, dite « Loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’alimentation et la Forêt ».

Il sera donc repris plusieurs de ces thèmes concernant aussi bien les droits des parties pendant l’exécution du contrat que dans son transfert ou sa cessation.

(Publications Union Girondine des Vins de Bordeaux n° 1119 – Mars 2015 et Le Vigneron des Côtes du Rhône et du Sud Est n°848 – juin 2015)

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