Un fermier informé en vaut deux

Le statut du fermage a beau être protecteur de l’exploitant, celui-ci doit demeurer vigilant afin d’éviter de lourdes déconvenues, le Code Rural et de la Pêche Maritime étant truffé de pièges, notamment en termes de délais et de formalités, dans lesquels le fermier inattentif pourrait tomber.

Le jeune (et le moins jeune…) viticulteur trouvera donc ci-dessous une « check-list » synthétique des points à vérifier à la conclusion, en cours d’exécution et à la fin du bail.

A la conclusion du bail :

  • S’assurer que le bailleur est bien plein propriétaire divis des immeubles loués. En effet, en cas d’indivision, tous les indivisaires doivent consentir au bail et en cas de démembrement de propriété (usufruitier/nu-propriétaire), l’usufruitier (qui a seul la qualité de bailleur) doit être autorisé à conclure le bail par les nus-propriétaires ou par le Tribunal.
  • S’assurer que l’on est en règle avec le Contrôle des Structures. Certaines agrandissements ou installations nécessitent en effet une autorisation administrative d’exploiter et, à défaut pour le fermier d’en être titulaire, le bail risque d’être annulé.
  • Préférer le bail écrit (plutôt que verbal) et réaliser un état des lieux d’entrée contradictoire ;
  • S’assurer que le loyer est conforme aux arrêtés préfectoraux en vigueur dans le département. S’il est établi que le fermage est supérieur d’au moins 10 % à la valeur locative normale (s’adjoindre les services d’un expert agricole pour le vérifier), la révision du prix du fermage pour la période postérieure à la demande ne peut être soumise au Tribunal Paritaire des Baux Ruraux (ci-après « le TPBR ») qu’au cours de la troisième année du premier bail ou des baux renouvelés. Il est néanmoins possible de demander une fixation du prix du bail renouvelé à chaque renouvellement en cas de désaccord sur le maintien de l’ancien loyer.

En cours de bail :

  • Payer les fermages en temps et en heure. A défaut, le bailleur pourra, après mises en demeures infructueuses respectant un certain formalisme et certains délais, saisir le TPBR d’une action en résiliation judiciaire du bail et il pourra même, pour des retards systématiques s’opposer valablement à une cession du bail, même si ces retards ne justifient pas forcément une résiliation.
  • Exploiter soi-même et convenablement les biens loués. Cela paraît évident, mais à défaut de respecter cette obligation, le bailleur pourra solliciter la résiliation du bail devant le TPBR.
  •  Demander l’autorisation du bailleur et l’obtenir (ou à défaut celle du TPBR) avant de procéder à des améliorations des biens loués (constructions ou plantations, par exemple). A défaut d’une telle autorisation, ces améliorations ne seront pas indemnisées en fin de bail et le bailleur pourrait même demander leur suppression immédiate (certaines améliorations, plus légères, ne sont quant à elles soumises qu’à une obligation d’information du bailleur).
  • Procéder au racottage des pieds de vignes de moins de 25 ans (ou de moins de 20 ans pour les cépages plus fragiles : Cabernet franc, Cabernet Sauvignon et Sauvignon blanc). Passés ces délais, les frais de racottage sont à la charge du bailleur et il faut lui demander de les prendre en charge.
  • Demander au bailleur de participer à hauteur de ses obligations (en Gironde : arrachage, défoncement et terrassements éventuels, plants et autres fournitures pour la replantation) à la replantation des vignobles anciens et improductifs en lui communiquant le motif de l’arrachage et en lui présentant un devis pour l’ensemble des opérations. Conclure, idéalement, un contrat de replantation avec le bailleur.
  • Ne pas procéder à des échanges en jouissance avec d’autres exploitants sans en informer préalablement le bailleur.
  • NE JAMAIS SOUS-LOUER, NI CEDER SON BAIL, NI L’APPORTER A UNE SOCIETE, sauf :
  1. Si l’on a conclu (devant Notaire) un bail cessible ;
  2. Cession au conjoint, partenaire de PACS ou descendant majeur participant à l’exploitation, mais avec l’autorisation expresse et écrite du bailleur ou, à défaut, celle du TPBR ;
  3. Apport à une société civile d’exploitation agricole, mais avec l’autorisation expresse du bailleur (le TPBR ne pouvant pas, ici, suppléer le refus du bailleur) ;
  4. Simple mise à disposition des biens loués à certaines formes de sociétés d’exploitation dont le fermier personne physique est associé exploitant (en respectant un formalisme spécifique).

En cas de vente du fonds loué par le bailleur :

  • Respecter le délai de 2 mois suivant la notification de la vente qui est faite au preneur pour notifier au propriétaire (et non à son Notaire…) sa décision de préempter les biens qui lui sont loués, puis le délai de 2 mois suivant cette décision pour passer la vente et payer le prix.
  • Si le preneur considère que le prix et les conditions de la vente qui lui ont été notifiées sont exagérés, il dispose d’un délai de 2 mois non seulement pour notifier sa décision de préemption au bailleur (en indiquant par exemple qu’il considère le prix comme excessif) mais aussi pour saisir le TPBR d’une demande de fixation de la valeur vénale et des conditions de la vente (auquel cas, naturellement, il n’est pas tenu de passer la vente dans le délai indiqué au paragraphe précédent).

En fin de bail

  • Vérifier les motifs mentionnés dans le congé qui pourrait être signifié à la requête du bailleur et, le cas échéant, le contester devant le TPBR dans un délai de 4 mois, à défaut de quoi la contestation sera irrecevable.
  • Si le preneur souhaite ne pas bénéficier de son droit au renouvellement, notifier au bailleur un congé un respectant un préavis de 18 mois avant la fin du bail (à défaut de quoi le bail est renouvelé pour une nouvelle durée de 9 ans et le preneur est tenu d’exploiter et de payer les fermages pendant cette nouvelle période).
  • Organiser rapidement un état des lieux de sortie contradictoire après la fin du bail ;
  • Demander au TPBR la fixation de son indemnité au preneur sortant (en cas d’améliorations réalisées par le fermier et si aucun accord amiable n’a été concrétisé à ce sujet) dans un délai d’un an maximum suivant la date de fin du bail, à défaut de quoi la contestation sera irrecevable.

En tout temps 

  • Solliciter les conseils d’un avocat spécialisé !

Wladimir BLANCHY

Avocat à la Cour

Cabinet de SEZE & BLANCHY