LA NEGOCIATION D’UN CONTRAT DE BAIL RURAL

  • Ce qu’il faut savoir lorsque l’on négocie

Un bail rural est un contrat écrit qui, à l’inverse du bail verbal qui est soumis aux clauses et conditions du contrat type départemental, peut faire l’objet de dispositions laissées à la discussion des parties. Il est néanmoins entouré, pour certaines d’entre-elles, de restrictions liées au caractère d’ordre public du statut du fermage. En d’autres termes, même écrites et négociées entre le preneur et son bailleur, certaines dispositions contractuelles seront réputées nulles et non écrites si elles sont contraires à ce statut. Alors qu’est-il permis ou interdit de faire ?

  • La durée du bail rural et ses renouvellements

La durée du bail rural est laissée à la libre discussion des parties. Cela pourra être un bail de 9 ans, un bail à long terme de 18 ans minimum ou un bail de 25 ans et plus. La principale contrainte réside dans la durée minimale de 9 ans. Ainsi les parties ne peuvent convenir d’une durée plus courte et un bail d’une durée inférieure sera réputé être un bail de 9 ans. De la même manière, il n’est pas autorisé de convenir, dès l’origine, que le bail ne se renouvellera pas. Cette disposition serait contraire au droit au renouvellement dont bénéficie le preneur par période de 9 ans successives, sauf si le bailleur remplit les conditions très restrictives pour s’opposer au renouvellement à l’échéance du bail (reprise pour exploiter soit même, son conjoint, partenaire de PACS ou un descendant, âge de la retraite du preneur, défaut de paiement des fermages, mise en péril du fonds, etc…).

Le preneur qui souhaite contester un congé qui lui a été signifié doit impérativement saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux dans un délai de 4 mois.

Seul le bail d’au moins 25 ans bénéficie d’une dérogation permettant au bailleur de s’opposer au renouvellement sans motif, mais le congé doit être délivré 4 ans à l’avance sauf si les parties en ont convenu autrement.

  • Le prix du bail rural

Principal sujet de discussion entre bailleur et fermier, le prix du fermage n’est pas libre. Il doit être fixé entre des fourchettes de minima et de maxima déterminées par un arrêté préfectoral dans chaque département et en fonction de la qualité des vignes louées et de son terroir.

Pour la vigne, ce sera des quantités d’hectolitres de vin d’AOC produit par la parcelle. Par contre la liberté est laissée aux parties pour choisir le prix de référence pour la conversion de ces nombres d’hectolitres en argent (celui de l’arrêté préfectoral annuel fixant le prix des vins ou un autre). De même un paiement en bouteilles est possible mais les frais de mise sont également fixés annuellement par l’autorité administrative. Une majoration des minima et maxima (fixés pour un bail de 9 ans) est possible au regard de la durée du bail. Notons qu’un bail convenu pour un prix de fermage au-delà des fourchettes n’est pas nul, mais chaque partie pourra en demander le rétablissement au cours de la troisième année du bail ou lors du renouvellement. En dehors de ces libertés et du choix des dates de paiement laissées à la libre discussion des parties, il est interdit de prévoir des redevances ou des services qui viendraient s’ajouter au prix du bail.

https://www.gironde.gouv.fr/Politiques-publiques/Agriculture-viticulture-foret/Agriculture/ARRETES-PREFECTORAUX

  • Les travaux en cours de bail

Les travaux de grosses réparations sur les bâtiments et de remplacement des vignes (arrachage et replantation) sont une charge du bailleur. Il est donc impossible de les mettre à la charge du preneur dans le contrat. Pour la vigne et dans chaque département, la commission consultative des baux ruraux fixe néanmoins la répartition des travaux entre bailleur et preneur (arrachage, fournitures, main-d’œuvre) et toute clause contraire serait donc annulée. Un partage des primes FRANCEAGRIMER peut toutefois être prévu. Notons encore que rien n’interdit, mais uniquement lors de la réalisation des travaux, que bailleur et preneur conviennent d’une répartition différente de celle imposée par la commission. Si le preneur prend en charge le coût de l’intégralité des travaux de replantation, il aura droit à une indemnité à la fin de son bail et le loyer sera réduit comme une location de terres d’AOC nues et non plus comme une location de vigne.

  • Les accidents climatologiques

Sujet récurant ces dernières années (gel, grêle, sécheresse, etc..), il n’est pas interdit de prévoir dans le bail les conséquences de ces accidents sur le prix du fermage. Si une clause peut mettre à la charge du preneur les « cas fortuit » (qui paiera alors le même fermage que si l’accident n’était pas survenu), les parties peuvent dans leur contrat en prévoir autrement. En absence d’une clause quelconque, le preneur pourra demander une diminution du prix de son bail. De même le bailleur peut imposer au preneur de souscrire une assurance récolte pour se prémunir de cette perte de loyer (conf. Article FINIRO-MARTELL).

  • Le transfert du bail

Le bail rural est cessible au profit du conjoint du preneur, à son partenaire de PACS ou à ses descendants avec l’autorisation du bailleur ou du Tribunal paritaire des baux ruraux. Une clause autorisant la cession à une autre personne ou à une société serait donc jugée illégale, si ce n’est dans les baux dits « cessibles », qui revêtent une forme spécifique.

Toutefois, mais uniquement pour un bail d’une durée d’au moins 18 ans (bail à long terme), une clause particulière peut interdire la cession dans le cadre familial.

A l’inverse la sous-location est strictement interdite même si une clause du bail l’autorise.

  • Les charges foncières

Le statut du fermage prévoit que le bailleur peut refacturer au preneur 1/5ième des taxes foncières attachées au bien loué. Mais cette disposition générale est applicable sauf si les parties en ont convenu autrement. La part du preneur peut donc être convenue plus ou moins importante, le bailleur peut aussi la conserver en totalité, mais le preneur ne peut la supporter en totalité. 

  • La fin du bail

Enfin le preneur a droit à la fin de son bail à une indemnité, dite indemnité au preneur sortant, pour les améliorations apportées pendant la durée du bail et autorisées par le bailleur. Une clause du bail l’excluant sera considérée comme nulle et non écrite comme celle autorisant les travaux moyennant la renonciation à indemnité. Par contre rien n’interdit à un preneur de renoncer à une indemnité une fois les travaux réalisés dans la mesure où il a bien conscience de ce à quoi il renonce.

Stéphane de SEZE

Avocat spécialiste en droit rural

Baux ruraux et Entreprise agricole